En 2011, le taux de croissance a accusé une baisse de 1,8%, la loi des finances complémentaire prévoit un taux de croissance de 3,5% pour l’année 2012, contre 3% dans la loi des finances initiale. On s’attend à un déficit à 6,6%, et un taux d’endettement de 46%.
La Tunisie passe, par une année exceptionnelle, indique Hassine Dimassi, ministre des Finances, serein et rassurant lors de la conférence de presse organisée mercredi 14 mars 2012 au Premier ministère. A année exceptionnelle, mesures exceptionnelles, a-t-il affirmé, et ce non seulement à l’échelle nationale mais aussi à l’international au vu de la situation difficile que traverse aujourd’hui l’Europe dont le taux de croissance pour cette année sera négatif (-0,5%).
La Libye, l’un des partenaires économiques les plus importants de la Tunisie en matière d’échanges commerciaux et touristiques, sans oublier les débouchés d’emploi, n’est pas sortie d’embarras. Un pays qui devait être reconstruit et qui souffre encore des tourments postrévolutionnaires.
Le contexte iranien et le risque d’augmentation des prix des hydrocarbures importés à hauteur de 70%, et les 2 milliards de dinars de compensation qui auraient pu créer 100.000 postes d’emplois fixes, complique encore plus les choses. Pire, si le baril de pétrole qui coûte 125$ le baril, augment de 1 $, l’Etat doit payer 28 MDT, ce qui influe directement sur les efforts de compensation.
D’autre part, il y a eu moins de revenus à cause de la régression des ressources fiscales et du remboursement de la dette extérieure.
20,9 milliards de dinars en 2011 consacrés aux dépenses, 25,4 milliards de dinars pour la loi des finances complémentaire, soit plus de 2,5 milliards de dinars d’augmentation par rapport à la loi de finance initiale. «Nous avons voulu prendre en considération les facteurs financier, économique, social et politique», précise M. Dimassi. «Comment pourrions-nous satisfaire au mieux les besoins et les ambitions de catégories sociales marginalisées pendant des décennies? C’est la question que nous nous sommes tous posés. Nos priorités ont été par conséquent orientées vers les zones les plus lésées tout en essayant d’assurer la relance de l’économie nationale. Les infrastructures, les commodités publiques comme l’habitat et les infrastructures tout en veillant dans la mesure du possible d’éviter l’endettement et de compter sur nos propres ressources».
Les biens confisqués et les recettes fiscales pour consolider les ressources de l’Etat
Parmi les principales ressources du budget de l’Etat, celles qui lui reviennent de la confiscation des biens de la l’ex-famille «régnante» récupérés après la révolution. Ces biens concernent aussi bien l’immobilier que les terrains agricoles, les portefeuilles actions et les entreprises. «Retenez bien que l’opération de la confiscation n’est pas aussi simple ou aussi facile qu’elle le paraît. Nous voulons bien recouvrer les biens de l’Etat dans le respect de la loi, mais pas spolier injustement les gens de leurs possessions. Le décret sur la confiscation prévoit un article qui impose que l’on fasse la différence entre les biens hérités et ceux acquis illégalement et illégitimement».
D’autre part, explique le ministre, il y a des associés étrangers que la commission n’a pas pu identifier: «Ce sont des sociétaires fictifs, ce qui complique considérablement la tâche des enquêteurs».
L’Etat recourra aussi pour renforcer le budget aux fonds thésaurisés à la BCT suite à la privatisation d’entreprises publiques comme Tunisie Télécom. Nous comptons arriver à des accords avec les hommes d’affaires qui font l’objet de poursuites ou de questionnement de la part de la justice et dont le nombre s’élève à 430. Dans une option de réconciliation, nous essayerons de récupérer ce qui revient à l’Etat et les laisser reprendre leurs activités: «“hiz maana oudhin el Koffa w imchi ikhdim ala rouhik“ (Participez avec nous à la relance et reprenez vos activités), mais c’est la justice qui aura le dernier mot suivant les cas. Notre rôle à nous est d’appeler à accélérer le processus», explique le ministre.
La loi sur la réconciliation sera soumise d’ici la fin de la semaine au Conseil des ministres et la semaine prochaine aux membres de la Constituante.
2,5 milliards de dinars d’augmentation des dépenses seront consacrés au développement et à la gestion qui comprend, entre autres, les augmentations des dépenses consacrées à la compensation. L’Etat prévoit aussi le soutien aux familles démunies au nombre de 230.000, soit plus de 140 MDT en leur assurant n revenu minimum de 100DT, au lieu de 70DT.
Des fonds ont également été consacrés aux communes dont les revenus ont régressé et qui ont besoin d’appui pour assurer leur bon fonctionnement.
Le budget complémentaire prévoit, d’autre part, les dépenses fortuites qui peuvent survenir à cause de catastrophes naturelles, de crises inopinées ou de la défaillance des Caisses de sécurité sociale.
Concernant le développement, les dépenses touchent à l’investissement dans les infrastructures, les commodités publiques, l’emploi et les logements sociaux, particulièrement dans les régions.
Une autoroute qui traversera le pays d’Est en Ouest sera construite ainsi que des barrages dans trois gouvernorats, sans oublier l’amélioration des pistes rurales et la dotation des zones prioritaires des équipements nécessaires. Pour tout cela, 1,25 milliard de dinars est prévu.
Pas d’amnistie mais des facilités pour le paiement des impôts dûs
Les ressources fiscales représentent 15,06 milliards DT, soit 60% du budget de l’Etat.
Il y a un lien profond entre la démocratie et la fiscalité, a tenu à préciser Slim Besbes, secrétaire d’Etat auprès du ministre des Finances chargé de la Fiscalité. Et d’ailleurs, pour mener à bien le projet de la loi des finances complémentaire, le ministère a adopté une méthodologie impliquant la concertation avec toutes les parties concernées (cadres administratifs, acteurs de la société civile, conseillés fiscaux, commissaires aux comptes et autres). Les concertations ont été publiques. La fiscalité est la principale ressource du budget de l’Etat et elle est importante dans les équilibres des finances publiques.
Le ministère a basé ses actions sur trois axes dont la mise en place de procédures pour financer l’investissement et renforcer les débouchés d’emploi. «Et pour cela, la fiscalité doit être au service de l’économie. Notre héritage législatif comporte nombre de procédures, nous avons voulu en exploiter quelques unes dans la loi de finances complémentaire. Nous avons voulu inciter à l’investissement en profitant des fonds que certains épargnants hésitent à injecter dans l’économie de peur des enquêtes fiscales. Car, d’une part, on prétend qu’il y a un manque de liquidités et, d’autre part, nous voyons l’argent circuler sur le marché». Le ministère a fait en sorte de rassurer les investisseurs et les encourager à mettre leur argent dans le circuit économique en leur évitant toute enquête fiscale. Cette mesure a été généralisée à tout le pays alors qu’auparavant elle se limitait aux zones d’intervention prioritaire.
Les fonds d’investissement devaient, dans le cadre de la loi, financer à hauteur de 65% des projets listés par la loi et devaient procéder à ces investissements sur une année, dans le cadre de la loi des finances complémentaire, nous avons allongé d’une année. Les sociétés totalement exportatrices pourraient écouler entre 40 et 50% de leurs produits sur le marché national au vu de la délicatesse de la situation à l’international et surtout dans leurs principaux marchés comme l’Union européenne et la Libye.
Pour ce qui est de la réconciliation ou de l’amnistie, comme on l’a laissé entendre, il ne s’agit nullement d’effacer totalement l’ardoise des impôts. Il s’agit de trouver des formules pour un règlement plus souple et un échéancier satisfaisant pour faire fi des pénalités de retard. Une première partie de la dette devrait être réglée dans le cadre des accords entre l’administration fiscale et les retardataires. Les opérations de recouvrement des impôts seront intensifiées et améliorées dans le sens de plus de transparence au sein des entreprises, et à ce propos, les entreprises sont appelées à ne plus effectuer, par espèces, les règlements qui dépassent les 5 mille dinars.
Sur un tout autre volet, la question d’impôt sur la fortune reprise par certains médias n’est nullement à l’ordre du jour.
Pour augmenter les ressources de l’Etat, l’impôt sur l’enregistrement augmentera de 15 à 20 D et le timbre fiscal des factures de 300 à 400 millimes, pour le transfert de propriété, il y aura un impôt variable de 1%
Sur un tout autre volet, un arsenal juridique a été mis en place pour encourager l’emploi dont celui d’inciter les entreprises à recruter un demandeur d’emploi, qu’il soit diplômé ou pas, en l’exonérant des taxes sur le salaire pendant 5 ans au lieu de 4 ans et la prise en charge par l’Etat de sa couverture sociale ainsi que la moitié du salaire à condition qu’il ne dépasse pas le seuil de 3.000 DT annuellement et que ce soit dans le cadre d’un CDI.
Telles sont les principales mesures prévues par la loi des finances complémentaire dans la version qui sera soumise au Conseil des ministres et à la Constituante. Mais rien de définitif, assure Hassine Dimassi, il y a des choses qui peuvent changer. Car la Tunisie, qui s’attendait à être appuyée par des pays amis, a été «lâchée», les seuls à avoir débloqué des fonds en sa faveur sont l’Union européenne, la BAD et la Banque mondiale. Des pays du Golfe, rien à part le prêt accordé par le Qatar aux conditions du marché et dont les délais de remboursement sont assez serrés pour des «amis».