éroport de Francfort (Photo : Fredrik Von Erichsen) |
[15/03/2012 15:46:28] FRANCFORT (AFP) Le numéro un européen du secteur aérien Lufthansa est en panne de croissance pendant que les compagnies aériennes des richissimes émirats du Golfe ne cessent de renforcer leur présence en Allemagne, centre névralgique de l’économie du continent.
Jeudi le patron de Lufthansa Christoph Franz s’est dit “très inquiet” de la montée en puissance des compagnies du Golfe en Allemagne et ailleurs en Europe, lors de la présentation des résultats annuels peu reluisants de son groupe à Francfort (ouest).
Et pour cause: Emirates, la compagnie aérienne de Dubaï, vient d’annoncer vouloir augmenter cette année ses capacités de 49% à Francfort, le principal aéroport allemand et le troisième d’Europe, et de 36% à Munich (sud) et Düsseldorf (nord-ouest), en mettant en service de plus gros avions.
Egalement implanté à Hambourg (nord), Emirates a porté l’an dernier à 63 ses liaisons hebdomadaires d’Allemagne vers Dubaï, l’un des plus grands noeud aériens au monde et relais vers le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Asie-Pacifique.
Elle lorgne aussi sur les aéroports de Berlin et Stuttgart (sud-ouest), même si pour le moment les autorités régionales sont réticentes à lui accorder des créneaux.
Car Qatar Airways utilise déjà ces deux aéroports, tout comme ceux de Munich et Francfort, proposant en tout 35 liaisons hebdomadaires entre l’Allemagne et Doha.
Quant à leur voisine d’Abou Dhabi, Etihad Airways, elle a conclu en décembre une alliance stratégique avec le rival national de Lufthansa, Air Berlin, dont elle est aussi devenue le premier actionnaire.
Ce partenariat risque de faire mal aux lignes allemandes et européennes de Lufthansa, alors que jusqu’à présent les compagnies du Golfe la concurrençaient exclusivement sur les vols longue distance.
D’autant plus que début mars, le patron d’Air France-KLM Jean-Cyril Spinetta a reconnu mener des “discussions informelles” avec Etihad en vue d’un partenariat commercial, entraînant les spéculations de la presse allemande sur une coopération future entre le groupe franco-néerlandais et Air Berlin.
Les compagnies du Golfe veulent “délocaliser le noeud aérien européen au Moyen-Orient. Ce n’est pas souhaitable, ni de notre point de vue ni de celui des gouvernements européens”, a tonné M. Franz, agitant l’épouvantail de la proximité géographique de l’Iran, que les pays occidentaux soupçonnent de vouloir se doter de l’arme nucléaire.
Lufthansa a mis fin l’an dernier à son accord de partage de codes avec Qatar Airways à l’aéroport de Stuttgart, au motif que la compagnie qatarie en profitait davantage qu’elle, drainant les passagers d’Allemagne vers son hub de Doha.
“Nous ne voyons pas l’application du principe de réciprocité” entre l’Allemagne et les émirats, qui n’ont pratiquement pas de marché intérieur, a encore souligné M. Franz. Leur accès aux créneaux en Allemagne devraient donc être restreints, selon lui.
Lufthansa, comme Air France-KLM et British Airways, se plaint depuis longtemps d’une concurrence déloyale des compagnies du Golfe, accusées de bénéficier d’une flopée d’avantages nationaux.
Grâce à des droits de trafic privilégiés dans leurs pays, des charges sociales inférieures et des prix du carburant plus bas, “leurs coûts opérationnels sont environ 30% inférieurs” à ceux d’une compagnie comme Lufthansa, estime l’analyste de Commerzbank Frank Skodzic.
Grâce au soutien financier de leurs gouvernements, elles s’offrent aussi des commandes monstres d’avions très gros porteurs, comme les A380 d’Airbus ou les 787 Dreamliner de Boeing.
Et pendant que Lufthansa attend avec anxiété une décision de justice sur les vols nocturnes à Francfort, considérés comme cruciaux pour son activité cargo mais honnis par les riverains de l’aéroport, Dubaï aspire à devenir dans la seconde moitié du 21ème siècle le premier centre de fret aérien au monde, avec une capacité de 12 millions de tonnes par an.