«Blanche comme toutes les villes arabes, mais plus sauvage, plus durement
caractérisée, plus marquée de fanatisme, saisissante de pauvreté visible, de
noblesse misérable et hautaine,
Kairouan la sainte», c’est ainsi que l’a décrit
Guy de Maupassant dans son livre «La vie errante», en 1890.
Une image qui trouve encore son sens, selon Monia Essaïdi, membre de la CONECT
(Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie), «puisque Kairouan,
berceau de la civilisation arabo-musulmane souffre de blessures». Ce gouvernorat
du centre de la Tunisie a été marginalisé, à l’instar d’autres gouvernorats,
malgré son positionnement stratégique. La richesse culturelle de la région n’a
pas bénéficié d’un développement économique qui aurait pu créer une dynamique et
résorber le chômage dans la région.
Coup de pouce…
Malheureusement, cette dynamique se fait attendre, faute de programmes et
d’investissements réels. Mais si le gouvernement actuel a la responsabilité de
donner un coup de pouce pour des éventuels programmes et investissements, il
n’en est pas moins pour les associations de développement et organismes
professionnels.
C’est dans cette perspective que la représentation de la CONECT à Kairouan a
organisé une rencontre-débat avec Boris Boillon, ambassadeur de France en
Tunisie, le 16 mars 2012. Cette rencontre a pour objectif de donner
l’opportunité aux acteurs économiques à Kairouan d’exprimer leurs besoins et
leurs attentes par rapport à l’investissement français très réduit du reste dans
la région. Une seule entreprise française existe à Kairouan.
Par ailleurs à propos d’un éventuel consulat français à Kairouan, M. Boillon a
affirmé que sa création n’est pas justifié vue le nombre très réduit de Français
dans la région. Mais il a indiqué que l’ambassade est prête à établir un accord
avec la CONECT pour faciliter les formalités de visas et permettre une meilleure
prestation pour les acteurs économiques.
Kairouan présente de hauts potentiels dans le secteur agricole, avec plus de 10
mille hectares de terrains et trois barrages. Mais l’objectif est de permettre
aussi une ouverture sur les autres secteurs. M. Boillon a indiqué que
l’ambassade est prête à faciliter des contacts des entreprises de la région avec
des entreprises françaises, par la mise en relation avec l’organisme patronal
français UBI France. «Mais je vous suggère de nous donner vos propositions et
vos besoins pour bien préparer cette mise en relation», appelle-t-il.
Financement…
D’un autre côté, on demande la mise a disponibilité par l’Agence Française de
Développement (AFD) de lignes de crédit pour des projets d’infrastructure, qui
manquent beaucoup à Kairouan, et en faciliter l’octroi. Un intervenant a fait
allusion à l’écart flagrant concernant les subventions de l’AFD entre les
différentes régions en Tunisie.
Pour Ahmed Karam, DG d’Amen Bank, qui était présent à la rencontre, Kairouan
présente de grands potentiels, que ce soit dans le secteur agricole ou dans
d’autres telles que les nouvelles technologies de l’information. «Kairouan a des
avantages comparatifs. Nous avons déjà financé des milliers d’hectares de terres
agricoles et nous continuons. La région est capable aussi de développer une
série d’activités manufacturières, tels que les matériaux de construction. De
notre côté, nous offrons une multitude de mécanismes qui sont mis à la
disposition des investisseurs. Nous avons déjà plusieurs projets en cours dans
le secteur de la santé, de la promotion immobilière, du tourisme culturel»,
affirme M. Karam.
Les intervenants ont aussi demandé une assistance au niveau de la formation
professionnelle qui accuse encore des déficits en termes de qualification de la
main-d’œuvre, de même pour les centres techniques qui manquent de matériels et
d’assistance.
Sécurité…
En outre, le représentant de la
Banque de financement des PME à Kairouan, a
souligné que l’investissement privé reste limité malgré les avantages. Les
difficultés résident essentiellement, selon lui, dans la constitution du capital
social, et a suggéré la possibilité de créer un fonds spécifique pour les jeunes
promoteurs.
M. Boillon a trouvé l’idée «séduisante», signalant que la France a plusieurs
instruments destinés aux pays émergents, permettant le financement des projets
et même des études. Il indique qu’il s’agit de voir avec l’AFD la possibilité de
créer un fonds pareil.
L’aspect sécuritaire est aussi très important pour booster les investissements,
essentiellement étrangers. Comme nous l’avons indiqué plus haut, une seule
entreprise française est opérationnelle actuellement à Kairouan alors que
d’autres ont fermé. Une société de textile qui existe depuis 14 ans déjà a fermé
en novembre 2012, suite à des troubles sociaux. Elle est gérée par les parents
de Jérôme Perez, directeur de Neo Confection, une société spécialisée aussi dans
le textile et habillement. Selon ses propos, après la fermeture de la société de
ses parents, les perturbations ont touché son entreprise, matérialisées par des
vols de matériels, une occupation des locaux, sans aucune intervention des
forces de sécurité dans la région. La société a actuellement a repris ses
activités, mais l’incident interpelle sur la réactivité des autorités publiques
quant au maintien des investissements étrangers mais aussi locaux, dans un
climat sécuritaire peu serein.