En Andalousie, royaume de l’huile d’olive, la concurrence marocaine inquiète

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Espagne (Photo : Cristina Quicler)

[22/03/2012 14:40:42] IZNAJAR (Espagne) (AFP) Armé de pinces, le petit tracteur saisit le tronc de l’olivier et le secoue pour décrocher les fruits, qui seront pressés dans quelques heures: en Andalousie, la production d’huile d’olive est reine, mais la concurrence croissante du Maroc inquiète.

En ligne de mire des agriculteurs espagnols, l’accord signé en février, visant à libéraliser davantage les échanges commerciaux agricoles entre l’Union européenne et le pays du Maghreb.

“Cet accord avec le Maroc, c’est un pas de plus vers la ruine des producteurs espagnols d’huile d’olive”, se lamente Lope Ruiz Lopez, qui vient de ramasser, sous un soleil éclatant, les olives tombées dans le filet posé au sol, pour les verser dans une remorque.

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espagne (Photo : Cristina Quicler)

Car “nous passons d’un quota de 52.000 tonnes (d’huile) que pouvait exporter le Maroc pour toute la communauté européenne à la possibilité pour eux d’exporter toute leur production”, souligne ce gérant d’une exploitation de 40 hectares à Iznajar, village cerné de collines d’oliviers entre Cordoue et Grenade.

Dans l’immédiat, l’Espagne n’a rien à craindre: elle est championne du monde du secteur, fournissant 50% de l’huile mondiale, et la production devrait grimper cette année à un nouveau record historique, 1,6 million de tonnes.

Côté marocain, ce sont seulement 130.000 à 140.000 tonnes qui sont fabriquées chaque année.

Mais “à moyen et long terme, cela met en danger la production espagnole”, affirme Miguel Cobos Garcia, secrétaire général de l’Union des petits agriculteurs (UPA) à Cordoue: “ils vont planter 700.000 hectares d’oliviers, c’est le double de ce qu’il y a autour de Cordoue!”

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Espagne (Photo : Cristina Quicler)

L’huile qui proviendra, dans quelques années, de cette nouvelle plantation “sera en concurrence directe avec la production andalouse”, car “le Maroc a un climat très semblable à celui de l’Andalousie, il est juste de l’autre côté de la Méditerranée”, rappelle-t-il, et “il vise le même marché, européen”.

Surtout, les conditions y sont très différentes.

“Au Maroc, le salaire d’un employé est de 6 à 8 euros la journée, pour 8 à 9 heures de travail. En Espagne en revanche, le salaire s’élève à 45 euros, plus 14 ou 15 euros pour la sécurité sociale, soit un coût de 60 euros par jour, pour 6 heures de travail”.

La concurrence marocaine, de surcroît, s’invite dans un secteur qui se plaint déjà de prix en chute, sous la pression notamment de la grande distribution.

“Dans les meilleures années, il y a 4-5 ans, il était au-dessus des 3 euros par litre”, se souvient Miguel Cobos Garcia. “Aujourd’hui nous en sommes à 1,80 euro”.

“Le prix auquel on nous achète notre produit, un produit d’une telle qualité qu’est l’huile d’olive extra vierge, couvre à peine les dépenses de production”, raconte Lope Ruiz Lopez, dont l’exploitation compte quelque 3.000 arbres, certains de plus de 200 ans.

L’Andalousie fabrique 80% de l’huile d’olive du pays et, pour elle, cette activité est cruciale, faisant vivre 200.000 producteurs et 300 villages.

La région, bastion socialiste qui devrait donner la victoire aux conservateurs lors de l’élection de son Parlement dimanche, est celle qui souffre le plus du chômage en Espagne, avec un taux de 31,23%.

“Ici tout le monde vit directement ou indirectement de l’huile”, note Lope Ruiz Lopez, donc “si les problèmes qu’a actuellement le secteur ne se résolvent pas à court terme, pour Iznajar et les autres villages alentour, la survie va être très compliquée dans les prochaines années”.

“Si la culture de l’huile d’olive disparaît, les habitants de ces villages devront émigrer vers une grande ville ou un village plus grand”, renchérit Miguel Cobos Garcia, pour qui la solution est de moderniser encore les méthodes de travail, afin de produire plus et de “se battre sur le terrain de la qualité”.