Espagne : Bailen, fière productrice de briques, ville sinistrée avec la crise

photo_1332497384372-1-1.jpg
ées dans une usine de Bailen, en Andalousie, le 19 mars 2012. (Photo : Jorge Guerrero)

[23/03/2012 10:15:14] BAILEN (Espagne) (AFP) Les herbes folles percent la surface de la colline d’argile figée depuis des mois. A Bailen, ville d’Andalousie toute entière centrée sur la production de briques, la fin du miracle immobilier a paralysé l’économie locale et fait exploser le chômage.

“Nous n’avons pas moulu l’argile depuis octobre”, se désole José Flores, 63 ans, propriétaire de la carrière Arcilla Bailen. Avec son associé, à peine ont-ils pu charger quelques camions pour les trois usines de briques qui fonctionnent encore, au ralenti.

“Ici avant, il fallait travailler jour et nuit. On était six. Aujourd’hui on est deux: deux de trop”, dit José Flores, en bleu de travail et fines lunettes.

Au plus fort du boom immobilier, qui a porté l’économie espagnole pendant plus de dix ans, 50 usines faisaient marcher leurs fours à Bailen, employant 3.000 personnes.

Spécialisée depuis des décennies dans l’argile et la céramique, la ville produisait alors 18% des briques fabriquées en Espagne.

photo_1332497528745-1-1.jpg
é Flores, 63 ans, pose dans sa carrière à Bailen, en Andalousie, le 19 mars 2012. (Photo : Jorge Guerrero)

Après l’explosion de la bulle, en 2008, la production a plongé, provoquant la fermeture en chaîne des usines.

L’onde de choc a sinistré l’économie locale, portée à 90% par la brique, frappant les transporteurs, les commerces, les hôtels et restaurants.

“Cette ville est déjà devenue, pratiquement, une ville fantôme, où toutes les familles sont touchées par cette crise”, remarque Pedro Cardenas, responsable du syndicat CCOO.

Avec 18.763 habitants et près de 4.000 chômeurs en février, environ 35% de sa population active, Bailen pulvérise le record affiché par l’Andalousie, la région la plus touchée d’Espagne avec 31,23%.

“Le seul travail que j’ai jamais fait, c’est la céramique”, explique Manuel Duran, 46 ans.

Dans le salon de son petit pavillon, acheté 200.000 euros à crédit lorsqu’il gagnait 1.200 euros par mois et ne manquait jamais de travail, lui et son épouse, Loli, égrènent le détail des maigres finances familiales.

Au chômage depuis l’automne 2010, il ne touche plus d’indemnités depuis février. Le couple a deux enfants de 19 et 20 ans. Seule leur fille, aide soignante, travaille, apportant son salaire de 700 euros aux revenus familiaux.

Emu, il se souvient de ses premiers pas dans le secteur de la brique, alors qu’il n’avait que 13 ans. “Il y avait tellement de travail qu’ils t’appelaient même quand tu n’avais pas encore l’âge de travailler”.

photo_1332497625712-1-1.jpg
à Bailen, en Andalousie, le 19 mars 2012 (Photo : Jorge Guerrero)

Pressé de retrouver un emploi, il a payé 500 euros pour une formation de chauffeur de camion.

“Ca ne me sert à rien, si tout est arrêté”, dit-il.

Comme beaucoup d’autres habitants de Bailen, Manuel s’est résigné cet hiver à repartir travailler dans les champs d’oliviers. Pour la première fois depuis 15 ans.

“Il y a énormément de gens dans les champs, trop”, souligne-t-il. Dix jours de travail lui ont rapporté près de 500 euros.

Le chômage généralisé à Bailen est “une tragédie”, reconnaît Victoria Fernandez, responsable de l’habitat au ministère régional des travaux publics.

Pour améliorer la situation, son département espère pousser les constructeurs à utiliser en priorité la matière première andalouse, lorsque l’immobilier repartira.

“Evidemment ce ne sera pas le même niveau d’emploi qu’il y a dix ans car nous construisons dix fois moins”, reconnaît-elle.

Sur ces sombres perspectives, l’Andalousie devrait donner la victoire à la droite lors des élections régionales de dimanche, arrachant aux socialistes leur bastion historique.

“Tant qu’il y aura des appartements vides, on ne va pas construire”, souligne sceptique, José Flores.

Les experts estiment qu’il en reste environ un million en Espagne.

José prédit donc un avenir “funeste” à la ville.

“Les jeunes vont devoir émigrer. Mais comme ici le travail était facile, beaucoup ont arrêté les études”, analyse-t-il.

“Et qu’est-ce qu’ils découvrent maintenant? Qu’ailleurs, la main d’oeuvre sous qualifiée n’intéresse pas.”