é de Siemens au travail dans une usine du groupe allemand à Berlin. (Photo : Michele Tantussi) |
[23/03/2012 11:09:00] MUNICH (AFP) Face à une opinion publique vigilante depuis des scandales d’ampleur, de plus en plus d’entreprises allemandes se dotent de règles de bonne conduite pour lutter contre la corruption et autres pratiques illégales, y compris les PME, ciment de l’économie du pays.
Selon une récente enquête de la société d’audit PwC, 52% des 830 entreprises allemandes de plus de 500 salariés interrogées disposaient l’an dernier de règles de bonne conduite (“compliance”), contre 44% en 2009 et 41% en 2007.
Les géants Siemens et Daimler font figure de modèles dans le domaine, affichant une tolérance zéro après avoir été secoués il y a quelques années par des histoires de caisses noires à grande échelle.
Siemens a récemment versé 170 millions d’euros à la Grèce pour classer des affaires de pots-de-vin dans le pays dans les années 90, et a licencié à l’automne dernier son chef au Brésil, soupçonné de détournement de fonds.
Daimler a renvoyé en octobre l’un de ses cadres aux Etats-Unis qui avait utilisé l’argent de la compagnie pour payer ses cotisations de golf, entre autres.
Dans les PME aussi, les pratiques changent. “Deux tiers” d’entre elles ont déjà mis en place des programmes de bonne conduite ou songent à le faire, selon Malte Passarge, directeur de l’institut ICM de promotion de la “compliance” dans ces entreprises.
Et elles ont tout intérêt à cette évolution car en cas de scandale, l’atteinte à leur image est “immense, surtout pour les entreprises familiales, alors que des grandes sociétés par action peuvent changer de direction et faire table rase”, explique-t-il.
– La corruption “voile le regard” –
En 2010 Eginhard Vietz, patron d’une entreprise d’équipement pour la construction de gazoducs et oléoducs de Hanovre (nord) a découvert à ses dépens que la justice allemande ne s’intéressait plus seulement aux “gros poissons”: peu de temps après avoir expliqué en détail dans la presse comment il fallait s’y prendre pour graisser la patte en Afrique ou en Russie, il a été perquisitionné et a finalement été condamné à une amende de 50.000 euros.
L’an dernier, le fabricant de camions de pompiers Ziegler a dû déposer le bilan après une amende de 8 millions d’euros de l’Office allemand anticartel. Désormais sous administration judiciaire, il a instauré des règles rigoureuses de bonne conduite et lutte pour sa réhabilitation.
Toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans le cartel ont quitté la société et “nous formons tous nos salariés, leur expliquons comment respecter la loi, éviter les tentations et signaler les mauvaises pratiques”, explique Philipp Thompson, son nouveau responsable de la “compliance”.
Malgré ces efforts “il reste des obstacles pour un retour à la normale de notre activité”, déplore-t-il. A cause de son passé, Ziegler fait toujours l’objet d’un boycottage de certaines communes allemandes.
Contre la tentation, Manfred Nötzel, procureur général du parquet de Munich (sud), l’un des plus avancés d’Allemagne en matière de lutte contre la corruption économique (voir interview), met en avant le coût économique de telles pratiques.
“D’après l’expérience, il me semble que (la corruption) n’est pas rentable pour les entreprises car le bénéfice calculé disparaît avec tous les versements connexes”, affirme-t-il.
En outre la corruption “voile le regard sur la compétitivité réelle” de l’entreprise car sans pots-de-vin “elle se rend rapidement compte que ses produits ne sont plus compétitifs”, selon lui.
Si nul ne peut évaluer la taille de l’iceberg immergé de la corruption en Allemagne, “je crois que le phénomène est en recul”, estime toutefois le procureur.
Un sentiment que partage Friedrich Schneider, un économiste de l’université de Linz (Autriche). Mais son coût pour l’économie allemande reste toujours conséquent: 250 milliards d’euros en 2012, selon ses estimations.
Pour lutter plus efficacement contre le phénomène, il préconise des peines de prison, à l’effet plus dissuasif que les amendes.