Les tunisiens de l’intérieur du pays, qui se sont révoltés, il y a une année et trois mois, pour protester contre, entre autres, le régionalisme et le déséquilibre régional ne sont pas au bout de leur peine tant ils assistent, aujourd’hui, à la résurgence du même phénomène avec quelques nuances et de nouvelles pratiques.
C’est ce que laisse entendre du moins une récente interview à Radio Express Fm, Riadh Bettaieb, ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale.
Dans cette interview «bizarre» qui dit long sur les orientations du gouvernement en matière d’investissement, le ministre, qui doit pourtant tout à la révolution, fait le point de l’investissement en Tunisie et annonce, avec grande fierté, un ensemble de projets qui seront réalisés pour la plupart sur le littoral, plus exactement sur le corridor d’or, l’axe Skhira -Tunis. Mieux, ces projets présentant l’avantage d’être, dans leur écrasante majorité, des projets propres.
Il s’agit d’une raffinerie à Skhira (port pétrolier) pour une enveloppe, tenez vous bien, de 2.500 MDT, d’une centrale électrique et d’une gare moderne avec une tour et des galeries marchandes souterraines, à Sousse, de l’aménagement d’une station touristique haut de gamme à Sebkhat Al Ghayadha, à Mahdia, d’une usine automobile Volkswagen probablement à Sfax, de la conversion partielle des 40 ports de pêche que compte le pays en ports de plaisance, d’une usine de montage des petits aéronefs par Airbus à Tunis, d’hôpitaux off shore soit à Tunis, soit à Sfax, soit à Sousse.
La liste est loin d’être finie: le ministre a annoncé la dynamisation de mégaprojets touristico-immobiliers dans le Grand Tunis (Port financier à Kalâat Landalouss, Tunis Sport City du groupe Boukhater), la Porte de la Mméditerranée du groupe Sama Dubai …), l’avancement à un rythme accéléré du processus de création d’une société de transport maritime entre la Tunisie et les pays du Golfe, la réalisation de zones logistiques (entreposage, stockage, conditionnement) aux environs des sites de production lesquels sont localisés, jusqu’ici, sur le littoral.
Le ministre ne comptait pas s’arrêter, n’eut été l’intervention de l’animateur Wassim Ben Larbi qui l’a interpellé sur la part des régions de l’intérieur dans ces projets d’investissement.
Sans hésiter, le ministre a dépoussiéré deux projets abandonnés, dans le passé, pour leur faible rentabilité. Il s’agit du projet du groupe d’investissement immobilier ‘’Diar Qatar’’, qui sera construit entre Nefta et Tozeur sur une superficie de 40 hectares (80 millions de dollars) et de deux autres projets d’exploitation du phosphate dans les régions du Kef (gisement Sra-ouertane) et de Tozeur.
Ces deux derniers projets présentent le désavantage d’être extrêmement polluants. Il suffit de visiter les régions de Gafsa, Sfax et Gabès pour se rendre compte des énormes dégâts occasionnés par l’extraction, le transport et la transformation du phosphate et de leurs effets pervers sur le cadre de vie et la santé des gens. Pour mémoire, ni la Compagnie de phosphate de Gafsa ni le ministère de la Santé publique n’ont jamais osé publier une quelconque étude sur l’impact du phosphate sur la santé.
Au regard des révélations du ministre, on se rend compte que le fossé entre l’Est et l’Ouest du pays demeure très large et très profond. Dans le passé, les ministres de Bourguiba et de Ben Ali s’étaient donnés à cœur joie pour programmer les investissements les plus lourds sur le littoral et pour faire de l’assistance sociale à l’intérieur du pays. Aujourd’hui, les ministres de la Troïka semblent tomber dans le même piège. Ils ont tendance à tourner le dos aux objectifs de la révolution et se délecter à programmer à l’ouest, des projets non seulement non rentables mais également polluants et compromettants pour l’environnement et la santé.
La question qui se pose dès lors: l’équilibre régional serait-t-il un éternel mirage en Tunisie?