La Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (CONECT) ne veut pas être qu’un titre, une appellation, un nom sans substance et sans consistance. Elle a l’ambition d’instaurer un nouveau modèle d’entrepreneuriat en Tunisie. Impliqué, concerné, agissant et militant pour un environnement social et naturel qui, plus que préserver les équilibres sociaux précaires, œuvrerait à préserver et à assurer la pérennité de l’entreprise.
C’est ce qui a été débattu mardi 27 mars à Tunis lors de la première conférence internationale sur la responsabilité sociale de l’entreprise organisée par la CONECT en partenariat avec la Coopération allemande, GIZ.
«Les modèles de développement basés sur l’ouverture économique et la mondialisation ont certes été à l’origine de l’amélioration constante du degré de compétitivité des entreprises d’un point de vue purement économique. Toutefois, ces modèles ont largement contribué à l’approfondissement des déséquilibres économiques et sociaux à l’international entre les pays et à l’échelle nationale en accentuant les écarts entre les régions et entre les catégories socioprofessionnelles», a déclaré Tarek Chérif, président de la CONECT à l’ouverture de la conférence. Il a, à ce propos, insisté sur l’importance de la mise en place de nouveaux modèles de développement et de nouvelles approches pour l’évaluation des performances des entreprises dans le sens d’une appréciation basée sur les pratiques citoyennes liées au développement durable, au développement régional, au respect de l’environnement, à une meilleure gouvernance et à la création de valeurs et d’emplois.
Si tous les patrons pensent et agissent suivant ce modèle, il n’est pas étonnant que l’on en tombe tous et toutes amoureux (ses) d’eux et que leur image en prenne un bienheureux coup d’éclat, mais il ne s’agit pas, comme l’a dit et à juste titre René Villemure, conférencier et président-fondateur de l’Institut québécois d’éthique appliquée, sens, culture, société, que l’on s’engage dans l’entrepreneuriat citoyen pour céder «le confort du bien-paraître à l’exigence du bien-faire».
Car plus que de normes et standards internationaux, il s’agit de cultures spécifiques à chaque région du monde. Toutes les approches doivent pouvoir s’accommoder des réalités spécifiques aux différentes régions du monde. C’est que les entreprises doivent être conscientes des dangers qu’elles peuvent engendrer dans leur environnement immédiat et des conséquences négatives de leurs activités sur la communauté humaine. Les exemples en la matière sont légion et le film d’Erin Brockovich joué par Julia Roberts et dans lequel elle dénonce les préjudices causés sur la santé des habitants à cause des déchets lâchés dans la nature par une entreprise, illustre à la perfection la responsabilité de l’entreprise dans des catastrophes humaines, sociales et environnementales.
Les critiques émanant de toutes parts ont poussé les entreprises, à l’international, à adopter des codes de conduite ou des chartes éthiques. Le code doit être établi directement par l’entreprise selon son activité et refléter ses pratiques sociales éthiques et environnementales.
En Tunisie, on ne remarque pas une évolution de l’attitude des entreprises dans ce sens et c’est peut-être aujourd’hui le rôle de la CONECT d’y veiller: «La CONECT entame la première phase d’un ambitieux programme visant à promouvoir la RSE en Tunisie et dans les pays de la région par l’instauration, en concertation avec toutes les parties concernées, d’un label RSE à décerner aux entreprises selon des normes et des critères bien définis», indique Tarek Chérif.
Mais cela n’est pas suffisant, car la responsabilité sociale ne se joue pas uniquement au niveau des entreprises, elle se joue avec les partenaires sociaux, d’où l’importance d’un pacte social comme l’a affirmé Khalil Ezzaouia, le ministre des Affaires sociales, qui a déclaré «la Tunisie, qui démarre mercredi 28 mars un nouveau round de négociations sociales, est décidée à établir un pacte social qui reflètera notre vision de ce que doivent être les responsabilités de chacun et de chacune dans la mise en place de normes adaptées aux critères à l’international et adaptées à la culture ambiante dans nos pays. C’est dans un cadre harmonieux que nous devons tous évoluer. Il y a aujourd’hui un bouillonnement d’idées pour aboutir dans ce sens». Espérons que de bouillonnement, les idées passent à des actions sur terrain, car le temps presse et la révolution tunisienne a montré que la cassure avérée entre entreprises créatrices de richesses et classes laborieuses risque de se creuser encore plus, si on ne parvient pas à rétablir le dialogue rapidement.
Toutefois, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises reste une notion quelque peu ambiguë que certains perçoivent comme respect des lois et des bonnes pratiques, d’autres comme participation au mécénat culturel et social, d’autres encore comme souci de protéger l’environnement naturel.
La RSE est tout cela, reste qu’il ne faut pas se suffire des déclarations de bonnes intentions des entreprises, il faudrait mettre en place des normes et procédures de droits accompagnées de mécanismes de contrôle et de recours indépendants.
Le contexte socioéconomique dans nos pays prédispose-t-il à de tels recours? Il revient à la CONECT, à l’Etat et à des organisations comme l’UGTT, l’UTT et la CGTT présentes lors de cette première conférence sur la RSE d’y veiller afin de rétablir les équilibres entre différentes catégories socioprofessionnelles et régions et préserver les richesses naturelles.