Afghanistan : les talibans ouvrent un forum pour leurs fans sur internet

photo_1332923334309-1-1.jpg
âne en Afghanistan (Photo : Shah Marai)

[28/03/2012 08:31:13] KABOUL (AFP) “Pensez-vous que tuer des civils dans un attentat est un gros pêché ?”, “Qui sera responsable devant Allah ?” Depuis peu, les talibans, ex-ennemis de la technologie désormais convertis à twitter, répondent à leurs fans via un forum sur leur site “Voice of Jihad”.

Le pertes civiles ne sont “jamais acceptables. Mais il faut se souvenir que parfois des civils sont tués et parfois ce n’est pas vrai. Il s’agit de la propagande de l’ennemi”, explique leur interlocuteur, Zabihullad Mudjahid, l’un des deux porte-parole officiels des talibans.

Malgré 3.000 Afghans décimés en 2011 –hors soldats et policiers–, dont 77% par les talibans ou d’autres groupes anti-gouvernementaux, selon l’ONU, “je peux vous assurer en toute confiance que les moudjahidine ne tuent pas délibérément les civils”, affirme M. Mudjahid.

“Par contre, il peut y avoir des problèmes techniques ou des cibles manquées”, plaide le porte-parole des insurgés.

Voice of Jihad (la voix du jihad, en français) ou l’outil de communication taliban. Depuis plusieurs années, les insurgés, autrefois si réticents au progrès qu’ils pendaient sous leur règne (1996-2001) les télévisions aux lampadaires, y vantent leur combat contre l'”envahisseur” étranger, qui les a chassés du pouvoir.

Les pertes infligées notamment aux soldats de la force de l’Otan en Afghanistan (Isaf), qualifiés d'”infidèles” ou d'”ennemis de l’islam”, y sont régulièrement exagérées. Les tirades contre le gouvernement de Kaboul, qualifié de “fantoche” ou de “larbin” des Etats-Unis, y prolifèrent.

Mais pour le taliban 3.0, désormais adepte de joutes sur twitter l’opposant à l’Isaf, un élément d’ancrage avec sa base manquait. La rubrique “Vos questions et les réponses de Zabihullah Mudjahid” de son site de référence vient de combler ce manque.

On y apprend que M. Mudjahid est d'”âge moyen”, qu’il “est marié”, qu’il aime “tout type de nourriture halal” et qu’il “enseignerait”, selon toute vraisemblance l’islam, “aux jeunes” “si les Américains n’avaient pas envahi” l’Afghanistan.

Quelque 78 questions ont à ce jour été posées au porte-parole, la quasi totalité en pachtoune, la langue de l’éthnie dont sont issus la plupart des talibans. Seules deux demandes sont formulées en dari, l’idiome majoritaire en Afghanistan.

“J’ai mis en ligne des versets et des hadiths (les paroles du prophète Mahomet) sur facebook, et certaines personnes me disent que ce n’est pas du bon travail. Peut-on appeler cela le jihad ?”, s’interroge Awrangzib.

“Le jihad prend plusieurs formes, il peut utiliser des stylos, le tranquillise Zabihullah Mudjahid. Puisse Dieu vous donner le succès dans votre type de jihad. J’approuve votre utilisation d’internet pour la promotion de l’islam.”

Un autre internaute, anonyme, souhaite comprendre comment rejoindre les rangs de l’insurrection. “Si vous n’arrivez pas à contacter de combattants, envoyez-moi un mail avec la région où vous habitez. Si Dieu le veut, je vous indiquerai la bonne voie pour les rencontrer”, promet le porte-parole.

Des questions politiques, concernant notamment l’ouverture d’un bureau de représentation des talibans au Qatar pour discuter avec les Etats-Unis, sont aussi abordées.

Le maulavi (titre religieux) Qalamuddin, ancien chef de la redoutable “police des vices et vertus” sous le régime des talibans, expliquait début février à l’AFP comment la persécution, notamment dans les domaines technologiques, sous les talibans était liée aux faibles connaissances de ses hommes, pour la plupart d’anciens paysans ou combattants.

“Avant, quand quelqu’un mettait un magnétophone devant moi, j’avais peur, avait-il raconté. Je ne savais pas ce qu’était un ordinateur. Mais maintenant j’ai appris”. Ses ex-ouailles, comme Zabihullah Mudjahid, vont plus loin encore. Les talibans ne veulent pas perdre la bataille de la communication.