La croissance économique, la construction démocratique ont besoin de la fluidité de l’information et de sa libre circulation pour une meilleure gouvernance. Tous les citoyens, où qu’ils soient et d’où qu’ils viennent, ont le droit de savoir qui fait quoi et où va leur argent, a assuré, mercredi 28 mars à Tunis, Inger Andersen, vice-présidente pour la région Maghreb et Moyen-Orient à la BM à l’occasion de la tenue du séminaire régional: Gouvernement ouvert et accès à l’information.
«La Banque mondiale s’engage également à plus de transparence et plus de fiabilité dans la transmission des informations ainsi que dans les publications et les rapports de la BM. Nous avons bien saisi les leçons du passé et sommes décidés à être crédibles autant que possible», a-t-elle ajouté lors d’une conférence de presse qui a suivi l’ouverture officielle du séminaire.
Mohamed Abbou, ministre chargé de la Réforme de l’Administration, n’a pas manqué pour sa part d’affirmer la volonté du gouvernement tunisien, en exercice jusqu’au mois de mars 2013, d’appliquer le décret-loi promulgué le 26 mai 2011 par son prédécesseur et se rapportant à la publication des documents administratifs et l’accès à l’administration. « Nous sommes conscients de l’importance de la transparence et de l’instauration de nouveaux rapports entre administrateurs et administrés. La loi du 26 mai est progressiste et exprime les nouvelles orientations du pays qui sont l’ouverture, la clarté et la lutte contre la corruption».
D’ailleurs, l’un des instruments de lutte contre les mauvaises pratiques est l’acquisition de l’information juste et crédible. Tout citoyen y a droit et a fortiori les médias qui doivent accéder à toutes les informations pour aider les décideurs à lutter contre toute sorte de malversations et de mauvaises utilisations des procédures ou des lois en vigueur. C’est ainsi qu’ils peuvent assurer leur rôle de contre-pouvoir.
L’accès à l’information n’est toutefois pas absolu, il existe des exceptions se rapportant à la propriété intellectuelle, aux données personnelles et à la sécurité de l’Etat. Reste à définir dans le détail quelles sont les informations qui relèvent du secret et celles qui n’en relèvent pas pour que cela ne soit pas laissé au pouvoir discrétionnaire et à l’appréciation du fonctionnaire. Tout auxiliaire qui n’appliquera pas la loi en transmettant l’information à qui de droit pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires, a affirmé le ministre de la Réforme administrative.
Comment venir à bout des résistances des uns et des autres dans un pays où l’information a toujours été considérée comme un butin de guerre qui ne doit être livré qu’aux seuls chefs? «Nous ne disons pas que cela sera facile, explique Inger Andersen, mais il revient aux citoyens eux-mêmes, premiers concernés, d’imposer une nouvelle ligne de conduite aux préposés administratifs dans le respect des règles en vigueur. C’est une nouvelle culture qui s’instaure et le contexte tunisien de transition démocratique s’y prête. Le regard du monde entier est posé sur la Tunisie qui doit réussir ses entreprises, car elle pourrait servir de modèle aux pays arabes».
Adrianus Koetsenruijter, ambassadeur et chef de la Délégation de l’Union européenne en Tunisie, a déclaré, à l’occasion, dans son discours à l’ouverture du séminaire: «Les décrets-lois adoptés par le gouvernement tunisien provisoire ainsi que les autres initiatives prises par les gouvernements égyptien et marocain montrent que les équipes en place ont bien pris la mesure des demandes de leurs citoyens dans ce domaine».
Il a précisé que la promulgation du décret-loi consacrant le droit à l’accès à l’information constitue un pas décisif vers la construction d’une administration plus ouverte sur les citoyens. La mise en œuvre des législations ne doit cependant pas se heurter à la nécessité de préserver les intérêts des institutions publiques et des personnes privées concernées pour ce qui est de la confidentialité entre individus ou dans les relations internationales.
C’est l’économie qui pourrait le plus profiter de la transparence des données administratives et de la transparence budgétaire. «Les niveaux d’investissement directs étrangers sont directement influencés par la facilité d’accès à l’information des investisseurs».
Nombre d’investisseurs internationaux et particulièrement américains ont boudé la Tunisie à cause de l’ambiguïté qui régnait sur ses données économiques, sans parler des conditions d’octroi des marchés publics et des appels d’offres internationaux et dans lesquels on respectait les procédures sans plus. L’agence Fitch a pendant longtemps dénoncé les exigences réglementaires limitées en matière de divulgation d’informations et le manque de familiarité de la majorité des entreprises tunisiennes avec les standards modernes d’élaboration de rapports d’informations. Les modes de gouvernance de l’administration tunisienne, tout autant ne s’accommodaient pas des impératifs du développement à tous les niveaux, surtout dès qu’il s’agissait de transmettre des donnés utiles aux requérants, qu’ils soient entreprises ou particuliers. Les informations sont centralisées et les citoyens se trouvent de fait marginalisés car ils ne sont ni éclairs ni impliqués sur ce qui se passe dans leur pays.
Il faut au moins de deux ans pour mettre en œuvre les mécanismes de libre accès à l’information: «Nous aurons besoin d’un soutien financier et d’experts pour développer la gouvernance électronique car elle nous permettrait une réactivité qui barrerait la route devant toutes les tentatives de corruption ou de marchandage consistant à laisser traîner les choses dès qu’il s’agit de monter un dossier ou de délivrer un papier», a déclaré Mohamed Abbou à l’intention des représentants de la BM et de la CEE.
Il faudrait également et au plus tôt démarrer des cycles de formation en direction des fonctionnaires de l’Etat pour améliorer leurs prestations mais aussi améliorer leurs conditions de vie pour qu’ils ne soient pas vulnérables et influençables par des corrupteurs potentiels. Il est aujourd’hui important de former l’administration à de nouveaux types relationnels avec les citoyens, instaurer la transparence à tous les niveaux pour un meilleur processus de développement et commencer tôt en apprenant dans les écoles et établissements scolaires et universitaires que l’une des formes de civisme est le partage de l’information lorsqu’il s’agit de l’intérêt de la communauté.