Allemagne le 16 janvier 2012 (Photo : Patrik Stollarz) |
[29/03/2012 13:19:44] PARIS (AFP) Puiser dans les réserves stratégiques de pétrole pour contrer l’envolée des prix du brut risque de n’avoir qu’un effet limité et temporaire, vu les fortes tensions à l’oeuvre sur le marché pétrolier, exacerbées par les sanctions internationales contre l’Iran.
La France a confirmé qu’elle soutenait une proposition américano-britannique visant à remettre sur le marché une partie des stocks stratégiques, qui donnent lieu à une coordination de la part de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Le but d’une telle mise sur le marché simultanée d’une partie des réserves pétrolières occidentales est de lutter contre la hausse des prix du pétrole, qui ont grimpé au début du mois à plus de 125 dollars le baril sur le marché londonien, au plus haut depuis leurs records de 2008.
Cette flambée a propulsé les prix des carburants à des sommets historiques de part et d’autre de l’Atlantique et menace de saper un peu plus la croissance mondiale, un cocktail explosif en pleine campagne électorale aux Etats-Unis comme en France.
Le Premier ministre français François Fillon a dit ce mercredi qu’il y avait de “bonnes perspectives” concernant un éventuel feu vert de l’AIE à une telle intervention, et le ministre de l’Economie François Baroin a précisé qu’elle se ferait en tout cas “de manière coordonnée sur le plan international”.
Mais les experts soulignent qu’une telle mesure n’aurait forcément qu’un impact limité et temporaire, car les fondamentaux du marché sont soumis à de fortes tensions exacerbées depuis le début de l’année par l’embargo décidé par l’Union européenne sur les importations de brut iranien, qui jouera à plein à partir de juillet.
“Une utilisation tactique des réserves aura sûrement un impact sur le marché, mais il sera transitoire car le problème de fond, c’est le rapport entre une demande qui repart et une offre limitée par des contraintes de production, avec une marge de sécurité au niveau de capacités de production très limitée, de l’ordre de 1,5 millions de barils seulement”, estime Luca Baccarini, de la société de conseil en investissement Energy Funds Advisors.
Or, “avec les sanctions contre l’Iran, on a mis le doigt dans un engrenage qui va peser sur le marché pétrolier physique pendant un bon moment. Les sanctions internationales vont conduire à une réduction des exportations pétrolières iraniennes de 500.000 à un million de barils par jour, ce qui va rogner la capacité de production supplémentaire”, principalement concentrée en Arabie Saoudite, pronostique-t–il.
M. Fillon s’est montré lui-même très prudent sur les effets attendus d’une telle mesure, prévenant sur la radio France Inter qu'”il ne faut pas en attendre des miracles sur la baisse du prix de l’essence”.
“Ca peut permettre de stabiliser le prix, de le baisser un peu, de l’orienter un peu à la baisse pendant quelques mois, mais il faut pour que ça fonctionne que l’ensemble des pays concernés se mettent d’accord”, a-t-il noté.
Par ailleurs, ces discussions sur les stocks stratégiques semblent montrer que même les occidentaux doutent de la capacité de l’Arabie Saoudite à apaiser le marché, alors que celle-ci a multiplié les promesses de parer à tout problème d’approvisionnement en accroissant sa production.
“Le recours aux réserves stratégiques est censé être la dernière cartouche, et si les pays occidentaux sont en train d’envisager sérieusement cette solution, cela prouve le manque d’engagement reçu de la part de l’Arabie saoudite pour palier l’absence du pétrole iranien”, estime ainsi Olivier Jakob, analyste chez Petromatrix.
Dans une tribune publiée jeudi dans le Financial Times, le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaïmi, a répété que son pays, premier exportateur mondial de brut, agirait pour faire “baisser les prix du pétrole élevés”. Mais “le monde a besoin de preuves concrètes, sous la forme de barils, et pas de paroles”, a souligné M. Jakob.