“Notre but n’est pas de lancer des révolutions mais plutôt de nous assurer que
les révolutions ne soient pas volées aux peuples”, déclare Marcus Cornaro,
directeur chargé du Voisinage pour la DG EuropeAid à la Commission européenne,
dans un entretien accordé à l’ENPI Info Centre au sujet de la réaction de
l’Union européenne
aux événements du “Printemps arabe“.
Quelle est la réaction de l’UE face au “Printemps arabe”?
Marcus Cornaro: L’UE reconnaît l’importance des pays du voisinage du sud et des
événements qui ont lieu dans la région, ce qui explique sa réaction rapide aux
changements amenés par le Printemps arabe et aux défis de la transition
politique et économique dans la région. Cette situation a permis à l’UE de
revoir son approche vis-à-vis de la coopération avec les pays partenaires dans
la région, en accordant une importance particulière à la volonté du peuple, et
en s’assurant que leurs révolutions correspondent à leurs aspirations.
Quelles sont les actions qui ont été menées par l’UE?
Plusieurs actions et décisions ont été mises en œuvre afin de faire face à cette
situation changeante. Un financement supplémentaire d’un milliard d’euros a été
approuvé pour l’ensemble des pays du voisinage. Ce montant vient s’ajouter aux
5,7 milliards d’euros déjà prévus pour 2011-2013. En somme, l’UE a augmenté son
financement pour la coopération avec les pays du voisinage du Sud de 20%. Il
s’agit d’une mesure compensatoire et d’un acte de générosité en temps de crise.
Grâce à l’effort conjoint de la Commission et des états membres, les fonds ont
été redistribués et réduits dans d’autres domaines afin d’augmenter le
financement pour la région du Sud de la Méditerranée. De plus, il est important
de souligner également que les fonds supplémentaires ne représentent qu’une
partie d’une offre plus large qui comprend d’autres avantages, notamment un
meilleur accès au marché et une mobilité accrue.
Sur quels programmes vous êtes-vous concentrés?
Ce financement supplémentaire comprend un nouvel ensemble de mesures pour le
voisinage du Sud, notamment un nouveau programme – L’Aide au partenariat, aux
réformes et à la croissance inclusive (SPRING) –doté d’un budget de 350 millions
d’euros pour 2011 et 2012; une Facilité de soutien à la société civile pour le
voisinage (tant au sud qu’à l’est), d’un budget de 12 millions d’euros pour les
pays voisins du Sud en 2011 ; ainsi qu’un financement de 82,5 millions d’euros
pour le renforcement des programmes Erasmus Mundus et Tempus pour la période
2011-2013.
Comment ces ressources supplémentaires ont-elles été utilisées sur le terrain ?
En Tunisie par exemple, l’UE a soutenu le processus électoral et fournit des
conseils pour la réforme du système judiciaire. Le Programme d’appui à la
relance (PAR) a été mis en œuvre grâce à un financement de l’UE de 100 millions
d’euros, qui vient s’ajouter aux prêts de 900 millions d’euros accordés par les
autres partenaires. Un autre programme de 20 millions d’euros vise à faciliter
le processus de transition démocratique en réduisant les inégalités sociales
dans les régions défavorisées en Tunisie et en accordant un soutien aux
institutions de
microfinance.
La Tunisie a déjà obtenu un financement de 20 millions d’euros dans le cadre du
programme SPRING, en plus des 10 millions d’euros pour le soutien à la relance
économique au pays, et de 10 millions d’euros pour les priorités de la reforme.
Il est attendu que l’Égypte, la Jordanie, le Liban et le Maroc bénéficient
également du programme SPRING en 2012.
Quelle est la situation actuelle de la Libye?
La Libye est maintenant éligible au financement régional même si le pays a
toujours un statut spécial et que le plan d’action de l’UE pour la Libye n’a
toujours pas été finalisé. Trois programmes principaux ont déjà été signés: un
programme de coopération pour le renforcement des capacités mis en œuvre par une
ONG européenne, une facilité d’assistance technique pour le gouvernement libyen,
ainsi qu’une initiative de soutien aux activités en coopération avec
l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). De plus, les
journalistes libyens ont bénéficié d’une formation dans le cadre du Réseau du
journalisme du voisinage européen, et des projets de l’UE pour la lutte contre
le SIDA ont été mis en œuvre dans le pays.
Quel est l’impact attendu sur les citoyens?
Les actions menées par l’UE visent à répondre aux attentes des citoyens et à
soutenir les pays partenaires dans la construction de systèmes démocratiques; en
d’autres termes à permettre aux citoyens de jouir des valeurs démocratiques
comme la liberté d’expression, d’association et de la presse, mais aussi d’avoir
accès à un système judiciaire plus équitable et plus indépendant. Les programmes
visant la relance économique faciliteront la création d’emplois et de petits
commerces, tandis que les programmes d’éducation et de formation technique ont
été élaborés afin de permettre aux jeunes d’acquérir des compétences plus
adaptées et de favoriser leur accès à l’emploi.
Si vous deviez citer une initiative pour chaque pays…
En Tunisie, le progrès économique demeure une question fondamentale, tandis
qu’en Libye, l’accent doit être mis sur l’assistance et le renforcement des
capacités de la société civile. En Égypte, le gouvernement de transition a
souligné les besoins urgents dans le domaine du logement, tandis que la
coopération avec la Jordanie est plus axée sur la formation technique et
l’emploi des jeunes. En ce qui concerne le Maroc, un protocole entre l’UE et le
Maroc est sur le point d’être signé afin de réussir le statut avancé.
Quels sont les principaux défis?
Je dirai que les défis résident dans l’application du principe de
différenciation puisque l’UE a l’intention de s’assurer que les besoins et les
priorités de chaque pays sont bien pris en compte, et aussi dans notre capacité
à réagir en temps opportun. Par exemple, la Libye n’a toujours pas de
gouvernement et aura besoin d’un soutien important dans tous les domaines avant
que la situation se rétablisse. Dans le cas de la Syrie, la situation est très
préoccupante et l’UE a suspendu sa coopération avec le pays, excepté dans le
cadre des programmes Erasmus Mundus et Tempus.
Quelles sont les trois priorités pour 2012?
La création d’emploi et offrir aux jeunes des opportunités pour se construire
une vie meilleure sont, sans aucun doute, la première priorité pour 2012.
La seconde est l’amélioration des capacités de la société civile dans les pays
partenaires ainsi que le renforcement de son rôle et de sa participation dans le
dialogue politique et la responsabilité publique.
Une troisième priorité consiste à considérer la nouvelle approche de coopération
de l’UE avec les pays du voisinage ‘more for more’, plus d’aide pour plus de
réformes, comme une opportunité plutôt qu’une conditionnalité supplémentaire.
Cette approche est fondée non seulement sur les engagements des différents
partis concernés, sur la responsabilité mutuelle, et sur un principe plus fort
en matière de différenciation en ce qui a trait aux besoins des pays, mais aussi
sur l’engagement de l’UE à atteindre le changement démocratique et la croissance
économique.