Quand le politique courtise les hommes d’affaires, d’habitude, ça débouche sur une alliance -généralement malsaine- entre pouvoir et argent. On a essayé ça une fois et ça nous a coûté trop cher. On n’a pas envie que ça recommence!
Le rendez-vous programmé -et attendu- entre le président du parti Ennahdha et les hommes d’affaires, prévu pour ce lundi 2 avril, n’a pas eu lieu. Dès le départ, ce rendez-vous paraissait, pour le moins, étrange. Que pouvaient-ils bien se dire? L’on ne voyait pas les raisons objectives de la médiation entre le président d’Ennahdha et les hommes d’affaires, deux cercles distincts et éloignés. L’initiative, dès le départ, était mal venue. On laissait sous-entendre que, via ce meeting, on voulait rassurer les hommes d’affaires black-listés et momentanément interdits de voyage.
En gros, il s’agirait des hommes d’affaires qui étaient en relation d’intérêt, de près ou de loin, avec l’ancien régime. En un mot, ce sont ceux qui auraient grugé le fisc et monnayé les faveurs économiques du pouvoir pour avoir des rentes marchandes, causant le tort que l’on sait à l’économie du pays.
Cette rencontre était destinée, disait-on, à ramener un climat de confiance dans les milieux d’affaires à l’effet de booster l’investissement local, test de vérité pour l’investissement direct étranger.
En l’absence d’explications –même via communiqué- du parti Ennahdha, quelles peuvent être les raisons de l’annulation ou du report de cette rencontre?
Le mauvais effet d’un deal pas très «clean»
Dès lors que l’on agite des listes d’hommes d’affaires, cela réveille des plaies mal cicatrisées. L’on a tous en mémoire la liste des «chouchous» de ZABA et de leurs débits en banque. On sait dans quelle mesure, par les largesses monnayées par ZABA, ils ont saigné le système bancaire, pollué les mœurs en affaires et paralysé l’économie. Le spectre des lobbies d’intouchables qui mettent l’économie en coupe réglée n’est pas une image saine de la politique et encore moins de la démocratie.
La rencontre entre le président du parti Ennahdha et les hommes d’affaires, apparaissait, aux yeux de l’opinion, tenir du «deal». On y aurait vu une opération pour court-circuiter le travail de l’administration et de la justice. Cette volonté de bien faire et d’agir vite, même si elle relève d’une bonne intention, ne serait pas perçue comme politiquement correcte. On ne voyait pas les raisons de la médiation d’Ennahdha et de l’interférence de son président en lieu et place de l’administration et de la justice. L’opinion, tout de go, aurait flairé un “coup politique“ dommageable pour Ennahdha et la révolution, car on pensait avoir définitivement rompu avec le parti-Etat.
Relancer l’investissement, c’est une priorité. Vouloir y aider, c’est louable. Mais chacun à sa place. Les partis peuvent proposer et à l’administration de disposer.
Toute cette précipitation paraîtrait comme une opération «intéressée», un calcul politique. On y aurait vu aussi une tentative de blanchir des hommes d’affaires, avec un arrangement sur le compte du bon peuple, des travailleurs et des mœurs démocratiques.
Ce serait de bon aloi que le parti communique sur les raisons de la non tenue de cette rencontre pour qu’au moins on n’y voie pas une opération tacticienne ou manœuvrière. Ce serait bien pour tous et surtout pour la transition démocratique et l’indépendance des pouvoirs.
On a épaté l’opinion internationale par la révolution de la dignité. A présent il nous faut faire preuve de bonne gouvernance et de transparence. Nous sommes sous surveillance, le monde nous observe.