C’est, à coup sur, le sel de la vie. On ne sait s’il s’agit d’une science ou d’une qualification. On sait, toutefois, que le sens du leadership se cultive et que le leadership n’est pas une station mais une trajectoire.
Tous talentueux! Ca a tout l’air d’une formule lapidaire, et pourtant, l’affirmation ne sonne pas creux. C’est que Hichem Kacem, directeur commercial de Vivo Tunisie, est un manager confirmé et agitateur d’idées, intarissable, qui donne le strike par cette assertion. L’entame de son speech au séminaire de l’AISEC sur le thème du leadership sonne comme un électrochoc. Il ne s’agit pas d’aller à la pêche du quotient individuel de “génie’’ qui sommeillerait en nous, prévient Hichem Kacem. Il appelle notre attention sur le fait que le talent est accessible pour ceux qui ne l’ont pas reçu à la naissance. Oui, le talent est à portée de main pour celui qui relève le «self challenge» de le conquérir.
Mais comment glisser du talent vers le leadership?
La motivation, le carburant du leadership
Hichem Kacem soutient que le leadership se cale sur le talent. Vouloir devenir figure de proue, c’est un objectif qui se travaille. Vouloir c’est pouvoir… Pour peu qu’on le désire, on peut l’atteindre, et il faut se jeter à l’eau.
L’on a tous en mémoire cette anecdote du pompiste de chez une des compagnies des sept majors qui s’est illustré par une idée simple. Constatant que les automobilistes en arrivant à la pompe étaient indécis, il s’avisait de prendre l’initiative de leur proposer le plein. Et, une fois sur deux, le coup prend. Il a fait part de son idée à sa compagnie et la consigne a été appliquée dans tout le réseau et les ventes d’essence ont progressé et l’auteur fut primé, en conséquence.
En société, il faut essayer l’émulation. Se mettre en mouvement et prendre la tête des opérations, se mesurer aux autres. Se sonder, en permanence, connaître ses moyens du moment pour doper son potentiel futur.
Hichem Kacem présente le talent comme la somme de toutes les qualités qu’on peut réunir. Et de rappeler que c’est un impératif stratégique car c’est le visa pour exister demain et rester dans la course en pole position. Pour se mettre en quête de performance, il faut se nourrir de motivation. Et c’est un moteur inépuisable pour voir un regard positif sur les choses.
Tout est dans le mental
Coach professionnel, Olfa Khélil Arem considère que le leadership est d’abord et avant tout une affaire de mental. Les ressorts psychologiques doivent être activés dans toutes sortes d’échanges, en société, pour stimuler la quête du leadership. Il est vrai que le leader dans une équipe est celui qui orchestre le jeu et sait distribuer les bonnes passes. Mais le leadership, explique-t-elle, n’est pas forcément ce statut privilégié de celui qui commande et qui crée. Le leadership, de ce point de vue, n’est pas forcément l’accomplissement de quelque chose de spectaculaire. Le leadership exige simplement que l’on soit à la manœuvre. On peut user de leadership rien que pour gérer sa propre situation, point besoin d’actes héroïques ni de poste de commandement.
En somme, le leadership commence dès qu’on est en situation de pouvoir «manipuler les jurés». Dans un entretien d’embauche, à titre d’exemple, affirme Olfa Khelil Arem, le leader est celui qui sait manifester une écoute active. Il sait user de ses points forts et esquiver ses «points faibles». Jamais sur la défensive, il est toujours en situation de remonter un score et de retourner la situation, à son avantage. Le conseil, en la matière, est de se mettre en empathie avec l’autre. L’objectif est de ne pas réagir au coup sur coup quand on attend de vous de savoir garder vos distances par rapport aux phénomènes, aux événements, et de relancer le jeu, incessamment. C’est un exercice d’intelligence car de maîtrise de soi, soutient-elle. Le tout est d’avoir un relationnel structuré pour agir sur les évènements.
En résumé, l’effort de la conquête du leadership consiste à se frayer le chemin et arriver à bon port. Dans un entretien d’embauche, ou en communication de crise, les ressorts du leadership peuvent s’avérer très utiles. Ils peuvent vous révéler, à votre recruteur, sous votre meilleur jour. Vous pouvez ainsi vous illustrer en apparaissant comme celui qui sait devenir maître du jeu, prendre la direction des opérations et être à la manœuvre.
Attention, toutefois, d’être uniquement cérébral. Il ne faut pas faire abstraction de toute forme de sensibilité. Il faut se rappeler que c’est méritoire de savoir garder tous ses sens afin de disposer du plein usage de ses moyens. Face à l’impondérable, le leader se distingue par sa capacité à faire face. Il sait improviser et ne se laisse pas submerger.
Dit autrement, le leadership apporte une parade au principe de Peter qui veut que l’on finisse par toucher à sa propre incapacité. Reculer les frontières du «possible» est en effet la vocation du leadership.
Refuser le conformisme et combattre la loi de la «moyenne»
Karim Belkahla n’est pas à son coup d’essai sur le thème du leadership, et à chaque nouvelle intervention, l’apport nouveau est garanti. Il avait par le passé travaillé sur la relation entre leadership et milieu social. Le leadership serait en étroite corrélation avec le credo culture d’une communauté et la forme d’éducation qu’elle dispense. Les sociétés européennes accordent une large place à la libre initiative et au dépassement de soi, favorisant de ce point de vue la prédisposition au leadership. Cette fois-ci le directeur de l’ESCAE s’attache à démontrer que l’on peut optimiser le leadership, via la gouvernance. Il rejoint, d’abord, les autres conférenciers en affirmant que le leadership est un choix volontaire, désiré et qu’il exige un investissement individuel, rigoureux à la fois contraignant et payant. Il fera référence à Jean-Paul Sartre pour dire que la part d’apport du leader se juge sur «ce qu’il fait de ce que la société a fait de lui».
En peu de mots, on peut dire que le leader est jugé sur l’usage qu’il fait de ce sous-jacent de formation que lui procure le système éducatif.
Il fera encore référence cette fois à Hegel pour dire que les difficultés et les épreuves sont des révélateurs du «collatéral», à savoir les capacités distinctives du leader. Il faut donc retenir que le quotient individuel du leader se forge à l’épreuve des difficultés, révélant sa part de talent. Le leadership amène le charisme, quand les gens autour du leader valident ses qualités.
Mais dira Karim Ben Kahla, l’ivresse du leadership peut conduire à un travers redoutable quand du charisme le leader glisse vers le narcissisme. Cette situation devient dommageable parce que cela conduit à la mégalomanie et à une situation d’aveuglement condamnant le leader à croire qu’il est meilleur que tous et en toutes circonstances. Comment faire en sorte que le rêve véhiculé par le leader ne se transforme pas en utopie et tourne court? Se déconnectant de la réalité. Karim Ben Kahla pense que la gouvernance protège des excès du leadership. Ce rempart de sécurité doit comporter des structures de contrôle et de supervision empêchant que les qualités du leader ne virent à l’excès, évitant que le courage devienne témérité et que l’engagement vire à la passion déraisonnée et que la prise de risque excessive aille jusqu’à l’élimination des concurrents.
Think performance and go head
Au concret, le cursus de Rostom Chalandli est en ligne avec tout ce qui a été énoncé par les conférenciers. L’actuel DG de Vistaprint, une multinationale, en a vu de toutes les couleurs, et c’était son choix personnel. Quand les circonstances exceptionnelles ne se présentent pas à lui, il va chercher à les provoquer. C’est lui qui a toujours couru l’aventure dans une quête insatiable de la performance. Il ne s’est jamais contenté de ce qu’il sait faire. Il trouve qu’il est contraire au sens de la vie de se contenter de pantoufler. Il s’acharne à susciter challenge après challenge.
Cependant, quand on l’écoute, on sait qu’il ne souffre pas d’instabilité. Le Leadership est une trajectoire, ce n’est pas une destination, semble-t-il dire. A son poste d’actuel DG, où il dispose d’un budget annuel de 80 millions de dollars, alors qu’il a à peine dépassé la trentaine, il est prêt à courir encore l’aventure s’il sent qu’il ne progresse plus.
Rostom Chalandli a à son actif quelques actes significatifs de leadership. Il a viré de bord, changeant de faculté dès qu’il a détecté la filière où il pourrait s’épanouir. Le manque de moyens matériels? Ca ne l’arrêtera pas. Il travaillera dur, en donnant des cours particuliers. Le leadership exige que l’on s’investisse dans la vie. L’été il travaillera franco de salaires pour pouvoir décrocher des jobs de responsabilité. Le deal est malin. N’y pense pas qui veut. C’est un choix fort. Un choix de leader, on dira. Il est convaincu qu’il lui faut en tout temps cultiver la différence parmi ses pairs. Et pour cela il faut accélérer les formations et multiplier les expériences et varier les enseignements.
Le leadership ne s’accommode pas de l’autosuffisance. Rostom a exercé à Paris dans le métier de la publicité à partir d’une formation tunisienne. Un job en or, où il s’est illustré. Et pourtant, il décroche. Il aura la chance de travailler avec Georges Lucas, le réalisateur de Star War. Pour lui, ce n’est qu’une corde supplémentaire à son arc. Le leadership exige que l’on se considère toujours novice pour être toujours réceptif et capitaliser tout ce qu’on découvre.
Le leadership c’est quand, sur la voie du risque, vous parvenez par vos accomplissements à changer le regard de l’autre sur vous. Il faut que l’on puisse dire de vous que vous êtes une compétence unique. Le leader doit fonctionner avec un plan A puis B puis C, jamais en panne d’idées ni d’opportunités. Il faut prouver qu’on peut capter la lumière. Et y parvenir.
Monter à la tête, sans se monter la tête
Le leadership est une posture où l’on positive. Aiguiser ses connaissances ne signifie pas que l’on va dépasser tout le monde. Cela veut dire que l’on ne doit pas se laisser habiter par le doute et bannir l’hésitation. Monter en tête ne veut pas dire obligatoirement commander aux autres, mais être celui qui est toujours en dynamique de se surpasser. Ne jamais avoir peur de retourner les questions quitte à demander au recruteur pourquoi il vous recrute et ne pas avoir peur de dire “je ne sais pas mais je me mettrai en posture de chercher et je trouverai et quand j’aurai trouvé, je ne m’arrêterai pas en chemin“.
Le leadership n’est pas la destination mais le chemin.