La rigueur frappe une exception française déjà fragile : la librairie

photo_1333617394989-1-1.jpg
Une librairie en France (Photo : Francois Guillot)

[05/04/2012 09:17:46] PARIS (AFP) Exception culturelle française, protégée par le prix unique depuis 30 ans, le livre fait les frais de la rigueur avec une hausse de la TVA qui frappe durement les librairies indépendantes déjà fragilisées par les ventes en ligne et, de plus en plus, les ebooks.

Ce relèvement de la TVA de 5,5% à 7%, en place depuis le 1er avril, pourrait néanmoins être éphémère… Le candidat socialiste à l’élection présidentielle François Hollande a promis un retour à une TVA réduite à 5,5% pour le livre s’il était élu le 6 mai.

En France, “où tous les présidents de la République ont écrit”, le livre tient une place à part, soulignait récemment François Bayrou, candidat du MoDem.

Le gouvernement a mis “dans le barillet la balle destinée à tuer les libraires indépendants”, a déclaré Vincent Monadé, ancien libraire et directeur de l’Observatoire du livre et de l’écrit en Ile-de-France (MOTif).

“C’est beaucoup de risques pour une goutte d’eau dans les caisses de l’Etat, considérant l’ampleur de la dette. Le point et demi de hausse de la TVA sur le livre est évalué à 60 millions d’euros au maximum”, explique à l’AFP le délégué général du Syndicat de la librairie française (SLF) Guillaume Husson.

Tous secteurs confondus, ce point et demi représente, selon le ministère du Budget, environ 10% de l’effort budgétaire des deux plans de rigueur du 24 août et du 7 novembre.

Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand “a dû se plier au coup d’Etat de Bercy”, le ministère des finances, déplore Renny Aupetit, libraire parisien.

Le ministre a rappelé récemment l’importance du livre en France: “3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 30.000 emplois”.

La France bénéficie d’un des réseaux les plus denses au monde, avec quelque 2.500 librairies professionnelles, contre à peine 1.000 en Grande-Bretagne.

– Géants –

Les librairies de quartier font vivre leur passion, même s’ils ont du mal à survivre. Ici, de petites cartes expliquant pourquoi ils ont aimé un roman, là des animations, ailleurs des séances de dédicaces…

“Faire découvrir nos coups de coeur, c’est notre plus grand plaisir”, explique Valérie Fournier, libraire à Royan, à l’unisson de ses confrères.

Et tous bénéficient depuis 1981 du prix unique, qui leur permet de rivaliser avec les mastodontes que sont les supermarchés, les chaînes et les sites de vente en ligne.

La hausse de la TVA sera absorbée par les éditeurs, assurent ces derniers, qui, en France, fixent le prix des livres. Mais cela renchérira la facture du consommateur.

Et c’est un nouveau coup dur pour une profession qui se trouve fragilisée par la concurrence de géants de la distribution en ligne comme Amazon, ou celle du livre électronique. Surtout que les ebooks, ont vu leur taux de TVA ramenée de 19,6% à 7% depuis le 1er janvier 2012.

“S’y ajoutent le renchérissement des loyers et… la désaffection pour la lecture”, relève Renny Aupetit.

En février, les ventes de livres au détail ont baissé de 1,5% par rapport à février 2011, selon le baromètre Livres Hebdo/1+C.

Le Syndicat national de l’édition (SNE) rappelle que la taxe sur les livres n’est que de 4% en Espagne, de 3% au Luxembourg. Dans une vingtaine de pays, le livre fait même l’objet d’une exemption fiscale ou d’un taux zéro.

Cette hausse pourrait “faire passer dans le rouge tous les libraires et en acculer certains à la fermeture” si elle leur était répercutée, avertit Guillaume Husson, qui voit dans le livre “un objet de première nécessité” en même temps qu’un “enjeu de démocratisation de la culture”.