On est toujours en attente d’un scénario de rupture avec le passé, la confiance n’est pas encore de retour et le pays est gagné par la morosité. On est pris à contrepied.
Le pays se sent en manque de tonicité et le peuple est sur sa faim, toujours en attente du «strike» qui ferait repartir la machine. A l’heure actuelle, le pays c’est plutôt grand corps malade. On ne peut pas dire que l’opinion a manqué de clémence. On a bien répondu à l’appel de trêve, et pendant la période de grâce des cent premiers jours, on a bien, à quelques rares exceptions près, observé un silence radio. Le gouvernement a eu son ticket d’entrée et c’est de bon usage.
Pendant cent jours, le peuple, dans un état d’expectative, a rongé son frein, différant ses revendications, dans l’espoir d’un redémarrage en force, nous a-t-on laissé entendre.
Voilà, la note d’orientations économiques est arrivée et la loi de finances complémentaire est tombée. Elles réveillent plus d’interrogations qu’elles n’apportent de solutions pratiques. L’ennui est que le gouvernement s’est avancé en s’engageant avec des promesses. Il est tout à fait naturel que l’opinion lui demande des comptes.
A présent que le fer est engagé, que nous propose-t-on?
Un contentieux politique encombrant
Le gouvernement a fait des choix risqués. Il a refusé des ministres technocrates en leur préférant des «pointures» -peut-être- politiques. Il a entrepris un exercice périlleux, prenant à sa charge de redessiner la physionomie de la diplomatie tunisienne. On connaît la suite. En matière de relations avec les partenaires sociaux, le dialogue n’a pas encore trouvé sa voie. La transition démocratique se fait de manière chaotique. La scène politique est par trop chahutée.
Au final, on se rend compte que la Troïka veut réaliser un modèle social partisan et non national en se suffisant de redresse les torts de l’ancien système. On voulait un aggiornamento, on nous propose un contre-modèle. La coalition apparaît lézardée et l’hégémonie du parti dominant ne fait plus de doute. Les récentes nominations révèlent une volonté de régenter l’Etat que d’institutionnaliser la démocratie. Du coup, la panique s’installe dans les esprits. Et autant le dire ce n’est pas le meilleur gage de stabilité. Ajouter à cela une gestion calamiteuse des dossiers brûlants, notamment celui de la justice traditionnelle et la prise en mains des blessés de la révolution.
Pourquoi avoir fossoyé le “Plan Jasmin“
Le gouvernement Béji Caïd Essebsi avait mâché le travail pour le gouvernement actuel. Le “Plan Jasmin“ était parfaitement rôdé. On a gagné une «Public Relation value» considérable lors de sa présentation au mois de septembre 2011 au G8. C’était de l’argent comptant, il fallait tout simplement transformer l’essai. Pourquoi avoir bifurqué? Etait-il opportun de s’employer à quémander les largesses d’autres bailleurs de fonds alors qu’on avait un chèque presque en blanc de la part des institutions internationales consacrées? Le moins est que cela apparaissait, au mieux comme de l’impréparation, et au pis comme de l’amateurisme. Et puis, pour toute nouveauté chercher à réactiver les anciens grands chantiers dont on sait qu’ils ont été négociés dans l’opacité et que ce sont davantage des «coups» immobiliers que des projets de développement.
Enfin, le déclic du découpage régional a vraiment manqué. On attendait de mettre en place ces fameux bassins de l’emploi qui auraient définitivement consacré la décentralisation et enfin une autonomie de décision et de destin pour les régions de l’intérieur. Il faut se mettre à la place du demandeur d’emploi qui, pour seule solution, doit passer sur une télé ou une radio pour faire parvenir sa voix aux autorités. Quel calvaire!
Quelle approche de l’emploi
Les 100.000 postes promis, c’est de la réalité ou de la fiction. Les annoncer cela fait gagner du temps, on a compris. Mais quand pour toute recette magique on nous propose de réactiver les programmes proches de l’esprit de ce qu’a été le «21-21», c’est court comme argument. La mise à niveau du programme Amal n’en fera pas davantage et ce n’est pas ce qui va enthousiasmer les jeunes en attente d’emploi.
Nos amis traditionnels nous ont prévenus. La BERD nous a signifié clairement que notre talon d’Achille était notre productivité défaillante. Il faut donc trouver un autre angle d’attaque pour soulager le marché de l’emploi que le mirage de la Très petite entreprise (TPE) et du microcrédit. Et quand, dans ce contexte, le dinar continue sa descente aux enfers et que les prix flambent à l’allure que l’on connaît, et que dans tout cela on ravive le débat sur l’opportunité de la compensation des produits de base…
Et que par-dessus tout on annonce l’augmentation du prix de l’essence sans évoquer un plan de redressement des transports publics urbains et inter régionaux, on donne le sentiment de naviguer le nez sur l’événement. On ne donne pas le sentiment que l’on pare au plus urgent pas plus qu’on est en train d’opérer sur la stratégie. On ne donne pas plus de visibilité.