Dans un communiqué publié jeudi 5 avril 2012, les locataires de la Banque centrale de Tunisie (BCT) ont rappelé au gouvernement de Hamadi Jebali que «la conduite de la politique monétaire est de son ressort, conformément aux lois de 1958 et de 2011 sur l’organisation, respective, de la BCT et des pouvoirs publics, après les élections du 23 octobre”.
Ce communiqué surprise fait suite à la mention dans le programme d’action du gouvernement, pour 2012, d’une mesure portant «adoption d’une politique monétaire expansionniste et de taux d’intérêt bas».
Invité ce vendredi 6 avril 2012, par Radio Express Fm, à s’expliquer sur les tenants et aboutissants de ce communiqué, Mustapha Kamel Ennabli, gouverneur de la BCT, a déclaré que ce communiqué a «pour unique objectif de rappeler les prérogatives de chaque institution de l’Etat».
Le gouverneur de la BCT ajoutera que «la problématique posée par le communiqué est à saisir à deux niveaux. Le premier, d’ordre institutionnel, consiste à rappeler que la politique monétaire est du ressort unique de la BCT, tandis que le second insiste sur le fait que toute politique monétaire ne peut pas être un choix vague ou ouvert mais une stratégie qu’il importe d’adapter et d’actualiser en fonction de l’évolution de la conjoncture économique et financière au double plan national et international».
Il s’est empressé de signaler qu’avec cette stratégie, la BCT n’entend nullement suivre une politique en contradiction avec celle du gouvernement. «C’est tout juste une démarche pour rappeler les prérogatives prévues pour chaque institution par la loi», a-t-il-dit.
Pour sa part, Ezzeddine Saïdane, expert financier, a qualifié d’«historique» ce communiqué en ce sens où l’indépendance de la BCT a été, depuis l’accès de l’indépendance, seulement dans les textes et n’a jamais été réclamée aussi fort. «C’est pour la première fois qu’un chose pareille arrive», a-t-il-dit.
Interviewé sur ce sujet par la même radio, M. Saïdane, qui a espéré que ce grincement de dents entre gouvernement et BCT ne dégénère pas, et a relevé que «la BCT est en droit de revendiquer son indépendance mais se doit en même temps de tenir compte de la conjoncture difficile par laquelle passe le pays et d’éviter toute confrontation avec le gouvernement».
Il a tenu, néanmoins, à préciser que le pays a besoin d’une BCT indépendante et a donner raison au contenu du communiqué en ce sens où l’option prise par le gouvernement pour «une politique monétaire expansionniste et de taux d’intérêts bas» signifierait l’augmentation de l’inflation, la diminution du pouvoir d’achat et la dépréciation du dinar, autant d’éléments, pour peu qu’ils perdurent, dans le temps, risquent de coûter cher à l’économie du pays et sa crédibilité auprès des bailleurs de fonds.
Il a ajouté qu’il est prouvé que l’option pour des intérêts bas n’est pas la mesure appropriée ni pour rassurer les investisseurs ni pour booster l’investissement, lequel, pour être impulsé, a plus besoin de paix sociale et de sécurité sur tout le territoire du pays.
Par delà ces commentaires, nous souhaitons à notre tour que l’empiétement du gouvernement sur les prérogatives de la BCT ne soit pas de la provocation et ne soit pas une simple étape du processus enclenché, depuis quelque temps, par le gouvernement en vue de contrôler toutes les institutions de l’Etat.
Depuis quelque temps en effet, les actuels locataires de la BCT ne semblent pas du goût de la Troïka. Selon nos informations, elle leur prêterait la tenue à son égard d’un discours réducteur sur son rendement auprès des instances financières internationales.
Il faut dire, également, que ces mêmes locataires de la BCT, en réclamant haut et fort leur indépendance, doivent, en même temps, faire preuve d’objectivité et de transparence, en informant de toute la vérité sur la conjoncture économique et financière qui prévaut dans le pays. Car, la contradiction entre les communiqués mensuels de son conseil d’administration est loin de rassurer.
Et pour rappeler le plus important, la BCT est invitée à prendre des initiatives et à accélérer la réforme bancaire aux fins de réhabiliter la crédibilité du secteur, d’abord, et de le mettre, ensuite, au seul service de l’économie du pays et non de lobbies et d’intérêts personnels.