Le Code du Travail (Photo : FRED TANNEAU) |
[11/04/2012 06:22:23] PARIS (AFP) La Cour de cassation se penche mercredi lors d’une nouvelle audience sur le dossier Viveo France, entreprise de logiciels dont le plan social a été annulé pour absence de fondement économique, sa décision étant très attendue par les entreprises et les syndicats.
La direction de Viveo France avait engagé en juillet 2011 un pourvoi en cassation après l’annulation en 2010 par la cour d’appel de Paris d’un plan social concernant 64 salariés.
Dans deux autres cas, la justice a annulé le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour absence de motif économique avant que les licenciements ne soient mis en place: à Sodimédical, fabricant de matériel médical (47 salariés), et à l’usine de matériel chirurgical Ethicon (350 salariés, groupe Johnson & Johnson).
Le Code du travail prévoit que seule l’absence ou l’insuffisance d’un plan de sauvegarde de l’emploi entraîne la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique. L’absence de justification économique peut être sanctionnée par le juge, par des dommages et intérêts, mais a posteriori.
L’arrêt de la Cour de cassation pourrait donc faire l’effet d’une bombe dans le droit social.
Mercredi, la chambre sociale va mettre en délibéré à quelques jours sa décision.
La Cour de cassation avait repoussé début mars sa décision pour des raisons techniques, le Comité d’entreprise ayant demandé un renvoi au motif que des documents cités par l’avocat général Pierre Foerst dans son avis étaient parvenus trop tard.
Pierre Foerst, qui a plaidé pour la cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Paris, avait dit avoir sollicité l’avis de la Direction générale du travail (DGT) et celui de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). La CGT avait aussi demandé à être consultée. Elle l’a été depuis, de même que d’autres confédérations et le Medef.
Du côté des entreprises, Avosial, syndicat regroupant 350 avocats d’entreprises, invoque “une tendance judiciaire qui remet en question la procédure de licenciements économiques”.
Le Medef, lui, par la voix de son directeur général adjoint Dominique Tellier, demande dans une lettre adressée à l’avocat général que la Cour mette fin “à une dérive jurisprudentielle” en cassant l’arrêt. Il espère ainsi qu’il n’y ait pas de “saisine systématique du juge” lors d’un PSE, ni de remise “en cause des créations d’emploi” ou de “la pérennité des entreprises”.
L’organisation patronale rappelle également “l’interdiction pour le juge (…) de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise et ses choix stratégiques”.
Du côté des syndicats, le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault, dans son adresse à l’avocat général, souligne que l’inexistence d’un motif économique restant “un fait relativement rare”, “la sanction de nullité ne frappera donc qu’une délinquance sociale manifeste”.
“Anéantir le pouvoir du juge de vérifier en amont l’existence d’un fondement (…) ouvrirait largement la porte au détournement de la loi de prévention des licenciements déjà bien fragilisée par les plans de départs volontaires ou les ruptures conventionnelles”, ajoute-t-il.
Le n°1 de la CFDT François Chérèque estime quant à lui que “la possibilité de licencier en raison de la nécessité de sauvegarder la compétitivité demeurera, ainsi que celle de justifier de ce besoin par la perspective des difficultés à venir. Seule l’absence manifeste de raison économique fondant l’engagement de la procédure invaliderait celle-ci”.
“Ne devine-t-on pas dans ces affaires que les entreprises se moquent d’être condamnées aux prud’hommes, tant que la procédure n’est pas annulée et que les licenciements peuvent être prononcés?”, demande M. Chérèque.