Livre électronique : Google dans le collimateur des autorités de la concurrence

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Le logo de Google (Photo : Karen Bleier)

[12/04/2012 14:44:42] WASHINGTON (AFP) Google est le prochain géant des hautes technologies dans le collimateur des autorités de la concurrence américaines et européennes, après l’annonce mercredi de poursuites contre Apple et des éditeurs pour entente sur les prix des livres électroniques, selon des experts.

Dans un secteur où il suffit de quelques années pour arriver à une situation de quasi-monopole, les autorités entendent rester vigilantes, soulignent ces experts, tout en relevant que la rapidité des évolutions et la complexité des nouveaux modèles économiques de la net-économie compliquent le jeu.

“Nous avons (dans ce secteur) des effets de réseau, qui sont très forts, et nous avons l’avantage qu’ont les pionniers”, explique Gary Reback, un avocat de la Silicon Valley qui avait été partie prenante dans le dossier antitrust visant Microsoft dans les années 1990.

“Tout ceci rend le secteur plus vulnérable aux situations de monopole”, analyse-t-il.

Les poursuites lancées mercredi contre Apple et des éditeurs semblent moins complexes que le dossier Microsoft, puisqu’elles ne remettent pas en cause tout un modèle économique, mais sanctionnent seulement une collusion illégale.

En revanche, Microsoft il y a une vingtaine d’années, et Google aujourd’hui, sont accusés d’entretien délibéré d’une situation de monopole: ils utiliseraient leur position dominante pour illégalement contrer rivaux et nouveaux venus.

Ces dossiers sont difficiles à prouver, notamment pour une entreprise comme Google dont la plupart des services sont gratuits, mais pas moins importants pour les consommateurs que de classiques ententes sur les prix, fait valoir M. Reback.

“C’est sûr que nous allons encore voir beaucoup de dossiers dans le secteur technologique”, estime Gus Hurwitz, professeur au Centre pour la Technologie, l’innovation et la concurrence à la faculté de droit de l’Université de Pennsylvanie.

Pourtant, selon lui, “la simple acquisition d’une position de monopole n’est pas illégale, il ne faut pas punir les entreprises qui ont réussi face à la concurrence”.

“Vu le rythme de l’innovation, il est difficile de dire qu’il soit nécessaire d’intervenir, à moins d’avoir des signes clairs que oui, certaines entreprises s’entendent et conspirent pour fixer des prix”, ajoute M. Hurwitz.

Il est de ceux qui estiment que la perte de puissance de Microsoft est moins liée aux poursuites antitrust qu’à l’essor d’internet.

C’est aussi un argument de Google, qui fait remarquer que, vu l’essor de ses concurrents, y compris Facebook, on peut difficilement lui reprocher d’éliminer la concurrence.

Du coup, selon M. Reback, les autorités ont intérêt à se concentrer sur le dossier précis de la publicité liée à la recherche en ligne, où Google est clairement leader.

“Je crois que les Européens vont être durs contre Google, et je crois que ce sera aussi le cas de la Commission fédérale du commerce américaine (FTC) et des autorités au niveau des Etats” américains, ajoute-t-il.

Paradoxalement, les poursuites visant Apple et les éditeurs pourraient s’avérer plus difficiles pour les autorités, estime M. Hurwitz. “Le secteur n’existe vraiment que depuis cinq ans”, note-t-il, “c’est exceptionnel de voir de telles poursuites lancées dans un secteur si jeune”, où les rapports de force sont encore mouvants.

Au moins le ministère américain de la Justice aura-t-il réussi à lancer un avertissement, relève un professeur de droit spécialiste des questions de concurrence à l’Université Notre Dame, Joseph Bauer.

“Le droit de la concurrence ne sert pas seulement à garantir l’existence de nombreux concurrents, mais à avoir des concurrents vigoureux qui soient vraiment en mesure de se faire une place”, relève-t-il.