L’Union européenne et la Banque mondiale participent à un financement conjoint pour la mise en service de l’open-gov en cours de transition démocratique. Le pourquoi du comment de cette initiative avec l’ambassadeur Adrianus Koetsenruijter.
WMC : L’open gov est–il, de votre point de vue, un «index démocratique» fondamental?
Adrianus Koetsenruijter: Je pense que s’il y a un élément sur lequel on juge le progrès et le fonctionnement de la démocratie, c’est la transparence de l’Etat et de son système administratif public vis-à-vis des citoyens. C’est un baromètre démocratique incontournable. Cependant, je dois reconnaître que ce n’est pas toujours facile d’avancer sur ce chantier. Pour citer l’expérience des pays européens, je dois rappeler que le processus de la transparence n’a pas été un long fleuve tranquille. Ajouter que chaque pays a eu sa trajectoire propre, en ce domaine.
Je dois préciser que l’empreinte nationale est une donnée fondamentale. Il ne vous échappe pas que l’ouverture de l’Etat au peuple est un cheminement qui reflète la culture politique dans un pays donné. Les citoyens trouvent, tout à fait naturel, qu’un ministre rende compte de ses actes. La jeune démocratie tunisienne doit inscrire sa propre voie aujourd’hui et indiquer son degré d’exigence pour que son service public soit transparent pour les citoyens.
Vous conviendrez que ce projet est avant tout une affaire de volonté politique?
C’est nécessaire. Il faut que la volonté politique soit expressément énoncée. L’engagement doit être pris publiquement en vue d’un Etat transparent qui soit accessible aux citoyens et d’un service public de bonne gouvernance et conformément à la volonté populaire.
L’open-Gov, une exigence du citoyen. Est-ce aussi une revendication du contribuable?
C’est dans l’ordre des choses, je dirais, et j’ajouterais que c’est dans la nature du fonctionnement de l’Etat en soi dans ses attributions courantes. L’exigence du contribuable est le prolongement du contrat social. En dehors de ses fonctions souveraines, l’Etat assure un service public avec des prestations civiques qui sont en dehors du champ politique. Et en ce domaine, le citoyen a des droits précis. Un enfant a le droit de voir s’il est correctement enregistré sur un listing des naissances avec une saisie correcte de son nom et il doit être en mesure d’obtenir ces informations à un coût correct. Tel est le rapport qui nait du fonctionnement de l’Etat vis-à-vis de sa population.
Le financement de l’Etat a un côté managérial et le contribuable l’examine sous l’angle coût/qualité de la prestation publique fournie. C’est tout aussi simple. Je reconnais qu’en effet cela s’apparente à une exigence d’ayant-droit, dirions-nous.
L’open-gov , un pilier de la vie parlementaire. Quelle part de responsabilité de la société civile?
Le bon fonctionnement de l’Etat c’est d’abord la mission des élus du peuple, cela ne fait pas de doute. Le Parlement contrôle le gouvernement, cependant le dispositif institutionnel se prolonge par d’autres structures tels la Cour des comptes et le Tribunal administratif, dans le cas tunisien. D’ailleurs, leurs rapports sont d’abord destinés aux élus de la nation car ils donnent un audit de ce qui marche et de ce appellent l’attention sur ce qui ne fonctionne pas bien. Ils signalent donc les dysfonctionnements du système ainsi que les dépassements éventuels des dirigeants.
Bien entendu, les premiers gardiens de la démocratie sont les élus du peuple et ils sont aux premières loges de la supervision. Le Parlement doit dénoncer ce qui ne fonctionne pas bien à l’effet de rétablir la pleine fonctionnalité de l’Etat. Mais la société civile y est engagée, pleinement. J’ajouterais que telle est sa vocation.
La presse et l’opinion publique, en démocratie, veillent au grain. Elles mettent la pression sur les pouvoirs publics pour procéder aux ajustements et aux réformes qu’elles désirent. Toutes deux envoient aux élus des indicateurs qui envoient aux élus comme au gouvernement pour indiquer ce qu’il faut améliorer dans un pays.
L’open-gov, un gage politique?
Absolument. Et j’ajouterais que c’est un firewall contre tous les écarts des dirigeants et les déviances du système. C’est un blindage contre l’infiltration de toute forme d’arbitraire.