Risques de “fuites” sur internet des résultats de la présidentielle

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ordinateur (Photo : Lionel Bonaventure)

[14/04/2012 21:23:03] PARIS (AFP) Cette année plus que jamais, des tendances aléatoires concernant les résultats de l’élection présidentielle devraient tourner en boucle sur la toile dès dimanche 22 avril après-midi. Une situation illégale mais aussi embarrassante car elle expose les médias à des amendes s’ils les répercutent.

La diffusion de résultats d’élections générales, même partiels, y compris par voie électronique, est interdite avant la fermeture du dernier bureau de vote.

Mais en 2007 déjà, et à un moindre degré en 2002, les estimations des instituts de sondages avaient été relayées, notamment par des sites internet belges et suisses, mais aussi de manière subliminale sur quelques blogs tenus par des Français.

“17H00 – Premiers indicateurs: Le ciel est bleu”, écrit Embruns.net, en référence à la couleur de la campagne du candidat Sarkozy. “Météo: (…) Le taux d’humidité est à 54%”.

Aujourd’hui, l’échelle est toute autre, avec environ 23 millions de comptes Facebook et trois millions de comptes Twitter en France. Or, les informations s’y propagent à la vitesse grand V.

Et le risque viendra de là, plutôt que des médias traditionnels français. Contactés par l’AFP, plusieurs d’entre eux (TF1, RTL, France 2, France 3, France Inter et leur partenaires, Le Monde, Le Point, LeFigaro.Fr) ont affirmé qu’ils respecteraient la règle de l’embargo absolu jusqu’à 20H00.

“On peut critiquer la loi mais on la respectera dès lors qu’on est un média basé en France”, affirme-t-on au Figaro.fr.

Toutefois, ces médias n’excluent pas de réviser leur position, en cas de violation flagrante de la règle par l’un de leurs confrères.

En revanche, le code électoral français ne s’applique pas aux médias étrangers, qui comptent récidiver. A Bruxelles, la RTBF consacrera une émission spéciale les 22 avril et 6 mai dès 18H30 et donnera alors les estimations et les résultats de sondages disponibles. Dispositif similaire à la Radio-Télévision suisse: diffusion, dès 17H30, des chiffres s’ils “sont certifiés comme assez sûrs”.

En France, les responsables de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale (CNCCEP) et de la Commission des sondages ont rappelé mardi que la diffusion de sondages ou d’estimations de résultats la veille et le jour du scrutin, pour les deux tours de la présidentielle, est sanctionnée de 75.000 euros d’amende, quel que ce soit le mode de communication.

Mais les twittos pourraient se lâcher, car les blogueurs qui ont enfreint la loi en 2007 n’ont pas été inquiétés. “J’attends toujours les poursuites”, s’amuse Laurent Gloaguen (Embruns.net), qui moque la loi électorale, “obsolète et ridicule à notre ère”.

Et puis, “les spécialistes du +fake+, ces faux comptes Twitter, auront beau jeu d’en ouvrir par dizaines depuis n’importe quel cyber-café juste pour l’occasion et d’y tweeter allègrement les estimations. Bon courage pour les retrouver”, fait remarquer le journaliste Erwann Gaucher, spécialiste des réseaux sociaux.

Au ministère de l’Intérieur, qui souligne qu’il est placé en la matière sous l’autorité de la CNCCEP, on affirme qu'”il y aura évidemment des rappels à la loi” et que “des dérives et abus qui pourraient être constatés seront sanctionnés”. Pour le reste, “il n’y a pas de moyens techniques de bloquer quoi que ce soit”, admet-on.

Dès lors, la divulgation “sauvage” d’informations les 22 avril et 6 mai pourrait-elle altérer la sincérité du scrutin ? Des spécialistes des réseaux sociaux s’en sont publiquement inquiétés.

“Que se passerait-il si, aux alentours de 17H00, l’information annonçant par exemple Marine Le Pen légèrement devant Nicolas Sarkozy commençait à circuler?”, s’est interrogé Erwann Gaucher, évoquant le scénario d’une mobilisation express d’électeurs UMP pour renverser la vapeur.

Brice Teinturier, de l’institut de sondages Ipsos, récuse un tel scénario car “pour avoir un véritable effet il faudrait un nombre colossal d’électeurs qui se surmobilisent dans la dernière heure en faveur d’un seul candidat”.

Son collègue de BVA Gaël Sliman juge plus gênantes de potentielles “intox délibérées de certains candidats, qui, pendant le vote, invoqueraient de pseudo-sondages sortis des urnes pour inciter les indécis à voter pour eux parce qu’ils seraient 2 points au-dessous” du score que leur prêtaient des sondages.