Dette : le contrat à terme sur la France débute modestement

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ère des Finances de Bercy (Photo : Loic Venance)

[16/04/2012 13:19:57] PARIS (AFP) Le nouveau contrat à terme sur la dette française, au coeur d’un vif débat politique en France avant l’élection présidentielle, faisait des premiers pas timides lundi sur le marché allemand Eurex, sans que les investisseurs se bousculent à ce stade pour en acquérir.

Cet instrument financier a été lancé par Eurex, spécialiste des produits dérivés et filiale du groupe boursier allemand Deutsche Börse.

Il s’agit d’un contrat permettant à un investisseur d’acheter un titre à un prix fixé à l’avance pour un règlement effectif à une date ultérieure, comme cela se pratique beaucoup sur le marché des matières premières.

Un peu avant 15H00 (13H00 GMT), le contrat à terme à échéance juin valait 125,40, en baisse de 0,49% par rapport à un premier cours à 126,02. Cela signifie que chaque contrat vaut actuellement 125.400 euros, compte tenu des modalités fixées par Eurex.

Le contrat à terme est coté comme un actif financier classique, entre 08H00 et 19H00. Prochainement, des contrats à échéance septembre et décembre seront lancés.

Le léger repli du contrat à terme est à peu près en ligne avec l’évolution du cours des obligations sur le marché obligataire traditionnel, où l’investisseur est propriétaire du titre dans la foulée de la transaction.

Le prix de l’obligation à 10 ans de la France se repliait ainsi à 100,033 contre 100,490 vendredi à la clôture. Le rendement du titre, qui évolue en sens inverse du prix, montait légèrement à 2,996% (contre 2,943%).

“Le contrat à terme démarre tranquillement, mais ce n’est pas une grosse surprise”, explique Cyril Regnat, spécialiste du marché obligataire chez Natixis.

Les investisseurs ne se précipitaient pas sur ces nouveaux produits, puisque seulement 1.367 contrats avaient été échangés dans l’après-midi.

Ce chiffre est très loin des quelque 6.800 contrats qui avaient changé de main à la même heure sur l’Italie et encore plus des 325.000 contrats sur l’Allemagne.

Malgré ces débuts prudents, “il est possible qu’on monte crescendo en termes de volume”, prévient M. Regnat, pour qui “le marché pourrait s’ouvrir plus rapidement en raison de l’échéance de l’élection présidentielle”.

Le 7 mai, la France connaîtra le nom de son président, dans un contexte à nouveau tendu en zone euro, puisque l’Italie et surtout l’Espagne sont dans la ligne de mire des marchés, qui s’inquiètent pour leur déficit et leur dette.

D’ici là, jeudi, la France prévoit de lever entre 9 et 11 milliards d’euros à moyen et long terme, ce qui constituera un premier test depuis le lancement du contrat à terme.

Plusieurs partis politiques, dont le Front de gauche, Europe Ecologie-Les Verts et le Front national, ont dénoncé dans le nouveau contrat à terme un outil pour favoriser la spéculation contre la dette française.

Le candidat du PS François Hollande a souhaité la semaine dernière que les autorités allemandes “annulent” l’introduction du contrat à terme, une proposition raillée par le président-candidat Nicolas Sarkozy.

Le ministère français des Finances a lui déclaré n’avoir “aucun pouvoir” pour autoriser ou interdire un tel outil.

“Ce produit financier n’est pas soumis à une autorisation préalable” de mise sur le marché, a dit le porte-parole du ministère des Finances allemand, tandis que son homologue de l’autorité de marché allemande Bafin s’est exprimé dans le même sens.

De son côté, Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), a jugé que le lancement de ce produit n’était pas un bon signal dans cette période.

Les spécialistes du marché obligataire relativisent l’impact spéculatif du contrat, rappelant qu’il en existe sur de nombreux pays et qu’il dépend en grande partie de l’évolution du marché obligataire classique.

“Il y a un risque qu’il soit utilisé par les investisseurs pour se couvrir contre leur position sur la dette” mais s’il atteint des volumes significatifs il pourra constituer un outil complémentaire au marché de la dette classique, explique Peter Chatwell, économiste chez Crédit Agricole CIB.

L’Association française des marchés financiers (Amafi), qui regroupe les professionnels du secteur, a regretté lundi le calendrier de lancement du contrat, mais a jugé que la polémique qu’il suscite est surtout due à une “incompréhension” du fonctionnement des marchés.