à Buenos Aires le 17 avril 2012 (Photo : Daniel Garcia) |
[18/04/2012 10:40:20] MADRID (AFP) Les entreprises espagnoles présentes en Argentine auraient de quoi être inquiètes après la mésaventure du pétrolier Repsol, exproprié lundi de sa filiale YPF, mais selon des experts, le risque est moindre car elles ne sont pas sur un secteur stratégique comme l’énergie.
“Je crois que la possibilité (que la même chose arrive à d’autres groupes espagnols) est faible, car le principal problème de Repsol est que l’énergie, tant le pétrole comme le gaz, est une ressource stratégique pour l’Argentine”, souligne Soledad Pellon, analyste à la maison de courtage IG Markets.
“C’était le seul secteur qu’ils (le gouvernement argentin, ndlr) allaient toucher. Cela les intéresse de nationaliser ce type d’entreprises, parce qu’au final, ce qu’ils veulent, c’est exploiter leur propre pétrole”, ajoute-t-elle.
“On dirait une tentative populiste de lutter contre la hausse des prix des carburants et la détérioration des finances publiques, comme si Repsol était la source des problèmes que rencontre l’Argentine”, note Anita Paluch, analyste chez Gekko Global Markets.
Le président de Repsol, Antonio Brufau, a lui-même reconnu mardi que le groupe était “malheureusemement sur un secteur critique”, estimant que la décision de la présidente argentine Cristina Kirchner avait sûrement des motivations politiques.
Repsol est, de loin, la première entreprise espagnole en Argentine: en 2011, sa filiale YPF a représenté 17% de son chiffre d’affaires, une part bien supérieure à celle d’un autre géant espagnol présent dans le pays, Telefonica, dont la filiale argentine représente 5% de ses ventes.
Les deux premières banques espagnoles, Santander et BBVA, sont elles aussi actives là-bas mais “dans aucun de ces deux cas, l’exposition en Argentine représente un risque significatif”, jugent les analystes de Bankinter dans un rapport.
Les groupes de BTP comme ACS ou OHL ont une faible présence dans le pays, tout comme les entreprises énergétiques Endesa et Gas Natural, souligne ce rapport.
“Si le conflit ne grimpe pas, si les tensions bilatérales n’augmentent pas, il est possible que cela se limite à Repsol”, pense Carlos Malamud, chercheur principal sur l’Amérique Latine à l’institut Elcano.
Surtout que “les entreprises espagnoles sont plus prudentes en Argentine depuis 2001”, quand le pays avait plongé dans une grave crise financière.
“Depuis cette date, beaucoup d’entre elles ont limité leur exposition à l’économie argentine, elles ont limité les risques et misé sur d’autres destinations plus fiables comme le Brésil et le Mexique, voire la Colombie, le Pérou et le Chili”, raconte-t-il.
L’Espagne reste toutefois le premier pays investisseur en Argentine, avec 11,58 milliards d’euros en 2011, selon les chiffres du ministère de l’Economie.
Et la majorité des experts soulignent que l’épisode YPF aura quand même un impact en termes de perte de confiance, car à long terme, les entreprises peuvent craindre l’insécurité juridique.
C’est d’ailleurs la raison invoquée mercredi par la petite entreprise technologique N2S pour renoncer à entrer sur le marché argentin: “l’incertitude juridique a freiné (nos) plans”, a-t-elle expliqué dans un communiqué.
Globalement, “il y a une certaine préoccupation des entreprises espagnoles”, a reconnu le ministre de l’Industrie José Manuel Soria, même si “toutes me disent que (leurs activités sur place) se déroulent normalement”.
“L’incertitude juridique est l’un des pires ennemis des investissements, et évidemment, les mesures prises contre YPF dissuaderont de nouveaux investissements dans le pays”, affirme Natalia Aguirre, responsable d’analyse et de stratégie à la maison de courtage Renta 4.
“L’attrait (de l’Argentine) pour les capitaux étrangers va vraiment s’en ressentir”, renchérit José Maria Martin Guevara, professeur d’économie et expert sur le secteur de l’énergie.