Tunisie : La Cour des Comptes réclame sa constitutionnalisation

cour-comptes200412.jpgLe vent de la révolution de la liberté et de la dignité appelle au droit d’inventaire. Aiguise les appétits. Imprime sa marque. Délie les langues. Balaie les comportements moutonniers d’antan. Dégage de nouvelles valeurs. Mixe les idées. Donne des leviers aux velléités d’indépendance des uns et des autres. Ce qui a d’ailleurs poussé la Cour des Comptes de Tunisie, une instance judicaire financière inscrite dans la Constitution de juin 1959, mais demeuré sous la tutelle des pouvoirs publics et assujettie à ses manœuvres politiciennes durant des décennies, à réclamer, après le triomphe de la révolution du Jasmin, son autonomie et son repositionnement institutionnel dans le nouvel édifice étatique en gestation. Pour plus d’efficacité, d’influence, d’utilité et de crédibilité auprès de l’opinion publique tunisienne. Eprise d’éthique, de transparence et de redevabilité.

«Le soulèvement du peuple tunisien a permis la libération mentale et intellectuelle de notre personnel compétent et républicain, otage depuis longtemps d’une volonté politique au service du non-droit, la publication intégrale des rapports annuels de la Cour, la mise à nu des réseaux occultes, liés à la prédation financière et la divulgation des lobbies du clientélisme, qui ont fait des ravages au sein de la fonction publique», nous dit Mr Abdelkader Zgholli, Premier président de la Cour des Comptes, dont les propos, lors d’un séminaire organisé en collaboration avec le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), trahissaient un appel pressant à la classe politique actuelle afin de tirer les leçons du passé en sanctuarisant, dans la prochaine Constitution, les statuts de la Cour des Comptes et son rôle dans la diffusion de la bonne gouvernance, la reddition des comptes, la promotion de l’intégrité et la préservation des deniers de la communauté nationale. Conformément aux standards internationaux.

Pour M. Zgholli, la Cour des Comptes, avec ses 250 personnes, dont 96 sont des magistrats «auditeurs», répartis sur 13 chambres, entend mettre son potentiel et son savoir-faire, en relation avec le contrôle de la performance des ordonnateurs, la planification stratégique, l’analyse des risques et les audits, au service des objectifs de la révolution. Des attentes et des aspirations des citoyens. Des principes démocratiques. D’un meilleur fonctionnement du gouvernement. Dans l’objectivité, l’impartialité et la neutralité.

D’après notre interlocuteur, les défis demeurent vent debout. Le pays danse sur un volcan d’exigences sociales. La loi des finances complémentaire 2012, dont le bouclage a nécessité le recours au matelas des devises stratégiques, liées à la vente partielle de Tunisie Télécom, impose une gestion rigoureuse des ressources publiques. Ce qui doit renforcer les appels à la professionnalisation et à l’autonomie de la Cour des Comptes, partenaire indépendant de l’exécutif et du législatif, censé, à l’avenir, devenir une composante essentielle d’un système démocratique, respecté au niveau du système de gestion des finances publiques.

En fait, d’après certaines sources dans les coulisses de l’Assemblée nationale constituante, la commission en charge de l’élaboration du statut des différentes institutions relevant du Conseil d’Etat, est favorable à la constitutionnalisation de la Cour des Comptes et à son indépendance dans l’exercice de ses fonctions. Loin de toute interférence politique.

Il s’agit là, affirment plusieurs élus, d’une mesure susceptible de conforter les magistrats auditeurs durant leurs missions, de rassurer les citoyens sur le sort de leurs deniers, de renforcer le climat des affaires dans le pays, de promouvoir la confiance et de crédibiliser nos institutions de contrôle sur le plan international.