Parce que la plaisance est à la fois prometteuse pour un tourisme tunisien en mal de diversification et de touristes dépensiers, mais encore embryonnaire, opérateurs privés –Marina Bizerte en tête- et pouvoirs publics se mobilisent de plus en plus pour créer les conditions propices à un vrai décollage de ce secteur.
«Grâce aux efforts des opérateurs privés et du gouvernement, Bizerte est depuis quelques années l’un des plus importants ports plaisanciers de la Méditerranée, avec un taux d’occupation en progression continue et qui approche de la saturation».
Cette information, infondée, pourrait passer aujourd’hui pour un parfait poisson d’avril. Toutefois, dans quelques années, elle pourrait parfaitement devenir une réalité palpable. Car l’idée de faire de Bizerte un port et un pôle de plaisance en Méditerranée n’est déjà plus une utopie. C’est un rêve en passe de se transformer en projet. Un projet dont la concrétisation est d’autant plus plausible qu’il est porté par un «avocat» crédible et déterminé: Marina Bizerte.
La société promotrice de ce projet immobilier et commercial, dont le port de plaisance constitue la composante principale, a commencé en juillet 2009 à commercialiser ses 800 anneaux. Et c’est alors qu’elle a réalisé que la Tunisie était loin d’offrir les conditions propices au développement de la plaisance. Plutôt paradoxal pour les Tunisiens, héritiers des Carthaginois qui furent d’excellents navigateurs.
Avec huit ports dédiés, près de 3.000 anneaux, 0,25 bateau par habitant et seulement 0,7% de la capacité d’accueil en Méditerranée, la plaisance emploie aujourd’hui près de 2.000 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 160 millions de dinars. Mais en dépit de certains atouts –position stratégique de la Tunisie en Méditerranée, bonnes infrastructures et un statut off-shore permettant un ravitaillement en carburant et une maintenance à des conditions avantageuses-, le secteur est demeuré embryonnaire à cause d’une multitude de faiblesses, allant de l’absence d’un site d’ancrage majeur, à l’image de services de faible qualité, en passant par les lourdes formalités douanières, policières et portuaires d’entrée et de sortie, les procédures complexes d’achat de bateaux, de concession; les lourdes taxes, etc.
Cette situation est d’autant plus dommageable que la conjoncture en Méditerranée est aujourd’hui particulièrement propice au décollage de la plaisance dans les pays où elle est encore en retard. L’actuelle fenêtre d’opportunité provient de la conjonction de deux facteurs: la pénurie d’anneaux autour du Mare Nostrum et l’explosion dans la région euro-méditerranéenne, du nombre de plaisanciers, donc de yachts cherchant refuge.
La flotte de bateaux de plaisance –six millions pour la seule Europe- est en progression continue; y compris pour les super yachts dont le nombre -4.117- a cru de 95,2% durant la décennie 2001-2010.
Première destination touristique au monde, avec 30% de part de marché, la Méditerranée est également en pole position pour l’activité nautique. Avec 275 millions de touristes internationaux, ce segment génère 253 milliards de dollars de recettes. A titre d’exemple, les 33 ports des Alpes-Maritimes (Nice, Antibes, etc.), réalisent, avec leurs 17.450 postes d’amarrage et 3.700 emplois permanents, un chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros. Mais la plupart des 700 ports de plaisance, réalisés en majorité dans les années 70-80, sont inadaptés ou déjà saturés.
A titre d’exemple, la France qui compte 180 ports de plaisance et 370 installations d’accueil a besoin d’ajouter près de 60.000 places aux quelques 170.000 déjà disponibles. Dans la plupart des ports français, il faut attendre près de cinq ans avant de pouvoir décrocher une place. D’où la flambée des prix de location dans les ports français passés de 16.000 à 24.000 dinars le m2, et même à Malte où le prix du m2 a bondi de 1.000 à 4.400 dinars.
Mais alors qu’il est déjà mature au Nord, ce marché est encore naissant sur la rive sud de la Méditerranée où l’on ne compte qu’un port de plaisance tous les 100 kms en moyenne. Plusieurs pays sud-méditerranéens se sont engouffrés dans cette brèche dans le but de capter une partie de la demande non-satisfaite d’anneaux, parmi lesquels l’Egypte, la Croatie, le Monténégro et la Turquie, dont la Tunisie pourrait s’inspirer.
Pour un pays comme le nôtre, dont le tourisme souffre entre autres maux d’un flagrant manque de diversification de son offre, la plaisance constitue une perche à saisir. De fait, les pouvoirs publics ont, pour ce faire, entrepris de réformer le code des ports. Malheureusement, le nouveau texte promulgué en juillet 2009 a été aussitôt critiqué par les professionnels comme n’ayant pas résolu les problèmes réglementaires, administratifs et fiscaux entravant le développement du marché plaisancier.