Loin de l’image d’un Mehdi Houas (ex ministre du Tourisme sous le gouvernement Béji Caïd Essebsi) frappé de bougeotte, Elyès Fakhfakh est un ministre calme, affable et discret. Dans ce gouvernement de transition démocratique, il est l’un de ceux qui font le moins de vagues ou de faux pas comparativement à des poids lourds en la matière comme Ben Salem ou Rafik Abdessalam.
Réservé, Elyès Fakhfakh observe et avance avec prudence. Pourtant, le secteur sur lequel il veille est l’un de ceux qui demandent le plus d’action.
Le ministre a-t-il fini de prendre le pouls d’une profession qui, avant sa nomination, demandait un profil opérationnel notamment dans une lettre ouverte via une l’Association «Action Tourisme»? Le courant entre les fédérations de l’hôtellerie et des agences de voyages brûle-t-il avec l’administration pour autant?
Durant la récente Conférence de l’OMT (Organisation mondiale du tourisme) qui s’est tenue à Djerba, Elyès Fakhfakh a beaucoup analysé et écouté. Il a été accessible à tous les intervenants en démultipliant les rendez-vous et accordant autant d’entretiens à la presse que nécessaire. Son principal défi est de pouvoir rassurer. En a-t-il seulement les moyens?
Soutenu dans sa démarche par Hamadi Jebali, qui a fait le déplacement pour la Conférence de l’OMT et a envoyé par conséquent un signal fort à un des réseaux internationaux les puissants, l’intervention du chef de gouvernement n’a pas vraiment convaincu. Hormis son appui par la présence, celui-ci défend-il vraiment une vision? Il répète inlassablement que le tourisme est et restera une priorité pour la Tunisie. Et c’est tant mieux! D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement? Ce ne sont pas les discours et les bonnes intentions qui porteront le tourisme vers plus de rentabilité et de développement.
Pour y croire, tout le monde a besoin de voir. Et chacun voudra voir ce qu’il cherche. Les touristes veulent voir la fête qui ne vient pas, la qualité qui ne s’améliore pas et la diversification qui ne répond pas à leurs attentes. Les professionnels veulent du soutien pour ne pas couler, un «Open Sky», entre autres, pour avoir plus de monde et davantage d’autonomie dans la promotion de leurs produits et régions. Les investisseurs nationaux et étrangers espèrent un nouveau code d’investissement pour se décider, et surtout un vrai climat de confiance pour créer un nouveau modèle s’appuyant sur une stratégie à long terme.
Elyes Fakhfakh mentionne une feuille de route pour bientôt. Celle-ci sera présentée à l’Assemblée Constituante pour validation. Elle compacte une partie des 160 mesures de l’étude Roland Berger. Avant la révolution, on ordonnait les études pour ne pas agir. Dans la Tunisie post 14 janvier et 23 octobre, on n’attend plus que les réformes pour enclencher l’action. Et ça urge! A l’heure actuelle, la concertation laisserait place à l’immobilisme. Est-il seulement nécessaire de préciser que ce n’est plus la saison actuelle qui est en jeu ou celle de la saison 2013. C’est la crédibilité de toute la destination Tunisie qui est en jeu!
Si bien qu’on en vient à se demander s’il ne faudrait pas commencer par «marketer» Ennahdha plutôt que le tourisme tunisien. Les images que renvoie un parti islamiste sont forcément liées au terrorisme, à l’extrémisme, au niqab… Même si d’autres destinations à l’instar de la Turquie ont réalisé des résultats exceptionnels sous l’AKP, il est important de retenir que c’est la gouvernance qui compte autant et indépendamment de la dimension politique du parti au pouvoir.
Les observateurs s’accordent à dire que c’est l’action, la composition et le bilan de l’actuel gouvernement de la Troïka qui posent problème dans notre pays. Le bilan du gouvernement de transition n’a vraiment pas arrangé les affaires du tourisme.
Les médias internationaux se sont partagés avec ferveur les images des salafistes sur l’horloge de l’avenue Habib Bourguiba, les agressions contre les artistes, le procès Nessma, l’arrestation des journalistes, les propos haineux contre les juifs, les dérapages du 9 Avril… Les images de sit-in, les confrontations entre les populations et les forces de l’ordre, les braquages et le banditisme sont aussi sur la liste des griefs que l’on avance contre la destination. Sans parler de l’environnement qui se délabre, des poubelles qui ne sont pas ou rarement ramassées, des animaux morts que l’on ne lève plus, des jardins et autres espaces verts et plages que l’on ne nettoie plus…
Pour conclure, tout pour dissuader de venir et choisir la Tunisie, hormis le prix… Et encore! Alors que justement, un des principaux enjeux de la révolution touristique tunisienne est de choisir la destination Tunisie et non plus un prix.
Pour en revenir à Elyès Fakhfakh, celui-ci tente aussi de trouver son équilibre dans un gouvernement qui tente lui-même de trouver son équilibre dans un exercice qu’il n’attendait pas et auquel, avec du recul, si peu de partis politiques sont préparés.
Pour l’intérêt de la destination, il faut un maximum de consensus et de concertation. Reste que l’exclusion n’est toujours pas où l’on pense! Etrange paradoxe dans un pays qui regorge de compétences! Une destination qui connaît autant ses défauts que ses remèdes!
Il n’est certes pas aisé de rattraper une destination qui souffre depuis plus de deux décennies, et l’image d’un pays qui a été spolié et vidé de ses valeurs. Pourtant, la destination est bel et bien là. Il ne tient qu’à soutenir les performances, encourager ceux qui hésitent mais absolument écarter ce qui tire vers le bas. Serait-ce plus facile à dire qu’à faire?