Tunisie : Le programme gouvernemental ménage-t-il le chou et la chèvre?

anc-260412.jpgA entendre le Premier ministre, Hamadi Jebali, parler ce matin 26 avril 2012, lors de son discours devant l’Assemblée Nationale Constituante, on ne doute pas que le pays est en crise, à tous les niveaux, essentiellement social et économique. Corruption, inflation, pauvreté, chômage, déficit de sécurité, etc. Une crise qui, quand elle est traitée par les médias, des voix s’élèvent pour dire que ces médias «donnent une image négative du pays et font impression que la Tunisie vit une crise aiguë», selon les propos de Amer Laârayedh, lors du débat diffusé récemment sur la télévision nationale.

La crise est là et c’est le chef du gouvernement qui le dit et qui tire même la sonnette d’alarme. «Nous sommes en période de réanimation économique. Les indicateurs économiques s’améliorent mais il y a beaucoup de chantiers ouverts qui requièrent une mobilisation en amont et en aval. Une mobilisation de tous les acteurs politiques, sociaux et économiques», affirme-t-il.

Il ajoute que le programme du gouvernement focalise sur la lutte contre la pauvreté, la création d’emplois, la baisse des prix, la lutte contre la corruption et la sécurité. Il indique que la loi des finances complémentaire propose de consacrer 6.200 millions de dinars pour le budget du développement régional, soit 1.000 millions de dinars de plus par rapport à 2011. De même, 511 millions de dinars seront consacrés au renforcement de l’emploi. Le gouvernement espère créer 75 mille emplois en 2012.

Ressources supplémentaires…

Concernant la loi des finances complémentaire, Taoufik Dimassi, ministre des Finances, souligne qu’elle a été impactée par la situation économique internationale et nationale. L’Union européenne, premier partenaire de la Tunisie, prévoit une croissance négative pour l’année 2012, la situation sécuritaire en Libye, la situation dans la région du Golfe arabe avec l’augmentation des prix du pétrole.

Au niveau national, il s’agit du ralentissement de la croissance économique, les revendications sociales, l’inflation au niveau des dépenses de compensation suite à la hausse des prix des hydrocarbures et des produits alimentaires, l’augmentation du déficit des finances publiques et le remboursement de crédits publics.

Selon M. Dimassi, le gouvernement a essayé de pourvoir des ressources supplémentaires, soit 2,5 milliards de dinars par le biais des réserves, certaines propriétés confisquées, les participations volontaires exceptionnelles de certains hommes d’affaires et l’amélioration de la rentabilité fiscale. Rappelons que le taux de croissance, fixé à 2,2% pour le premier trimestre, devra atteindre 3,5% à fin 2012. Le déficit budgétaire serait de 6,6% alors que le taux d’endettement atteindra 45,9%.

Critiques…

Mais de tels propos que tiennent MM. Jebali et Dimasse ne semblent pas satisfaire certains députés de l’Assemblée Nationale Constituante. Un député a appelé à revoir la carte du développement régional avant de procéder à la mise en place d’un plan d’action pour les régions.

Khamais Ksila a indiqué qu’il faudra adresser un discours clair aux hommes d’affaires tunisiens afin de les rassurer sur la situation politique et économique du pays, et cibler à travers eux les capitaux étrangers, en réaction aux propos de Hamadi Jebali qui estime que les hommes d’affaires tunisiens ont soutenu la dictature. «Au contraire, ils étaient eux aussi des victimes de la dictature. Ce dont nous avons besoin maintenant c’est de changer les mentalités. Nous devons tous le faire», lance-t-il.

De son côté, la députée Nadia Chaâbane estime que le budget présenté par le gouvernement est flou. «Il semble comme un programme pré-électoral. Ce n’est pas un programme qui peut être appliqué sur huit mois, je pense. Il n’y a ni calendrier pour l’exécution, il y a des hypothèses dont on n’a aucunement la certitude qu’elles seront réalisées», signale-t-elle.

Elle affirme qu’il y a des incohérences profondes en se basant sur des prévisions de financement, à l’instar de la récupération des biens confisqués. Le programme prévoit aussi la construction de 30.000 logements sociaux, dont l’Etat va contribuer à hauteur de 100 millions de dinars seulement. D’où il va faire appel à d’autres sources de financement, à des investisseurs. Un processus qui pourra prendre plus de temps et nécessitera des mois de négociation avant de démarrer réellement les projets.

Logique électorale…

Selon Mme Chaâbane, le programme gouvernemental n’apporte pas de réponses économiques aux problématiques économiques mais uniquement des réponses sociales. «On n’engage pas de réformes structurelles et on ne prend pas de risque. On est dans une logique électorale. On ménage la chèvre et le chou. On essaie de ne pas déplaire», explique-t-elle.

D’un autre côté, certains députés ont appelé à l’urgence de procéder à la préparation des élections. Mohamed Brahmi appelle au démarrage des opérations d’inscription le plus tôt possible afin de rassurer le peuple et l’élite du pays. M. Jebali a déclaré que les élections se tiendront entre mars et juin 2013, en indiquant que l’Assemblée Nationale Constituante va revoir le fonctionnement et la structure de l’Instance Indépendante des Elections.

Khamais Ksila, de son côté, a fait allusion au manque de vision à ce niveau. «La date des élections n’est pas claire. Il faudra réviser la loi électorale et les décrets qui traitent de l’organisation des élections et relatifs aux médias, à l’espace public, etc.», affirme-t-il.