Beaucoup de Tunisiens viennent tout juste de découvrir que le
Palais de Carthage
renferme un théâtre d’une centaine de places construit depuis le temps de
Bourguiba, et si presque personne n’en a jamais entendu parler, c’est parce que
l’ancien régime n’était pas vraiment connu pour son inclinaison pour le 4ème
Art.
Mais là n’est pas le problème! Car la présence même de ce théâtre dans le siège
de l’exécutif est une anomalie qui renferme des conséquences sérieuses pour cet
art en Tunisie. Ne souriez pas… car, dans le monde occidental, les plus hauts
dignitaires de l’Etat vont dans les mêmes théâtres que n’importe qui, y
affichent clairement leur présence et en tirent un orgueil évident.
Qu’est-ce que cela signifie? Simplement que ces hommes d’Etat occidentaux ont
une considération singulière pour le théâtre. Et comme ils sont les leaders de
leurs peuples, on suit leurs traces et on fait tout pour s’afficher là où ils
marquent leur présence. Et comme cela dure depuis des décennies, vous savez
évidemment le prestige du théâtre dans le monde occidental.
Chez nous, tant que les plus hauts dignitaires de l’Etat ne prendront pas
l’habitude d’aller dans nos théâtres voir les pièces de nos comédiens, notre
théâtre restera ce qu’il est aujourd’hui: un canot où on rame pour n’aller nulle
part! Et, de toute évidence, ce qui s’applique au théâtre s’applique aussi à la
peinture, au cinéma, à la littérature…
C’est pour cela que ce théâtre ”privé” du palais de Carthage n’est rien de
plus qu’une folle bizarrerie qui encourage l’élitisme de mauvais aloi au moment
où le souffle des nations (surtout culturel) ne peut se faire qu’à l’unisson!