Tunisie – Transparence : Le «Clean Business»… dans les entreprises publiques et l’Administration


corruption-280420122-320.jpgLa lutte contre la
corruption, c’est des mécanismes et une discipline. En la
matière, les entreprises publiques jouent un rôle moteur.

En pleine transition démocratique, que le sujet de la moralité dans les affaires
privées et publiques s’invite au débat, c’est dans l’ordre des choses. La lutte
contre la corruption est un firewall indispensable si on ne veut pas que le
cataclysme qui a conduit au démembrement de l’économie tunisienne se reproduise.
La chute de Ben Ali n’est qu’un épiphénomène à côté du tort qu’a subi notre
économie. Le gros dommage subi réellement réside dans la fragmentation de
l’économie tunisienne. Le secteur informel a fait le reste. Et, pour couronner
le tout, le sens du «business» s’est emparé de tous les esprits, ruinant la
valeur travail.

C’est pour traiter de cette symbolique de la lutte contre la corruption, dans la
perspective de rebâtir une économie saine, par conséquent performante, qu’un
séminaire a été récemment organisé à l’IACE. L’initiative est commune. S’y sont
joints l’ambassade des Pays-Bas à Tunis. De même que l’a rappelé Caroline G.
Weijers, ambassadeur de Hollande en Tunisie, son pays a pris part à nombre de
réformes dont celle de la Cour des comptes. Mais également l’Organisation
mondiale des ingénieurs.

L’Organisation mondiale des ingénieurs, faut-il le rappeler, c’est une
Association qui regroupe 80 pays et plusieurs millions d’adhérents. Elle fut
présidée par le l’ingénieur tunisien, Kamel Ayadi, de 2003 à 2007; il est
aujourd’hui past president, comme l’appelle dans cette association. Mais entre
temps, il a créé (au sein de cette organisation) la Commission internationale de
la lutte contre la corruption.

Au moment où la Tunisie s’attelle à mettre sur pied une justice transitionnelle,
la moralisation du climat des affaires et des comportements des personnalités
politiques et de tous les hommes de pouvoir, du public et du privé, prend un
relief de priorité nationale. La nouvelle République doit démarrer sur des bases
saines. L’institutionnalisation de l’éthique, par l’instauration des pratiques
et des règles qui consacrent la transparence et la lutte contre la corruption,
s’inscrit dans un champ étendu. Il comprend l’entreprise et l’administration
publiques, dans leurs rapports avec les citoyens.

Kamel Ayadi, en introduction des travaux du séminaire, a traité du thème suivant
thème: «L’entreprise tunisienne face aux nouvelles exigences de transparence et
d’intégrité: quelles démarches et quelles solutions?».

De nouveaux leviers de performance

Le conférencier a bien montré que la pression de l’opinion publique
internationale a fait que les pays développés adoptent des mécanismes de lutte
contre la corruption se convertissant à la morale et l’éthique en affaires.
Est-ce que la fidélité à la révolution fera le même effet chez nous? Et le
conférencier de rappeler que la transparence, autant pour l’entreprise que pour
l’Etat, est d’un bon effet de prospérité. C’est dire si l’opacité n’est pas
mauvaise conseillère et lourde de conséquence. Et, d’affirmer que la
transparence est donc le gage, à long terme, de la pérennité de l’entreprise.
Et, des Etats aussi. La perspective d’implémentation des règles de transparence
et de déontologie dans notre univers national est donc salutaire. La Tunisie de
demain ne peut s’extraire à cette Ola mondiale du respect de l’éthique et
d’appel de transparence.

Des normes internationales pour le «clean business»

C’est la Grande-Bretagne qui a commencé à aller vers des chartes éthiques
contraignantes pour les opérateurs du privé comme du public. Ces véritables
normes pourraient être validées au plan mondial comme l’ont été, auparavant, les
normes ISO 9001 pour l’industrie ou 14001 pour l’environnement ou 18801 en
faveur de la santé et la sécurité dans l’entreprise, toutes d’origine anglaise,
rappelle Kamel Ayadi.

Il a également affirmé que l’ONU suivie de l’OCDE ont emboîté le pas à la
Grande-Bretagne et ont sorti des conventions internationales confortant
l’arsenal de réglementation de lutte contre la corruption. L’UE, à son tour, a
fini par s’aligner, et les Directives de Bruxelles bannissent les pratiques de
trafic d’influence de responsables d’entreprises privées ou de responsables
politiques jusque dans les pays étrangers. Le groupe allemand Siemens s’est fait
prendre et a payé une lourde facture pour avoir versé dans le trafic d’influence
auprès de fonctionnaires de pays étrangers.

En somme, ce nouvel état d’esprit devient la nouvelle religion des relations
d’affaires.

L’adhésion à l’éthique: entre mécanismes et volonté d’adhésion

Dès lors, comment transmettre le message éthique dans la vie des entreprises? La
question se tranche à deux niveaux. Le premier est celui du droit. Il faut
sortir un framework, soit un cadre légal. Tout comme il faut aussi éduquer les
esprits et former les usagers et les praticiens. On recommande ainsi un mix
entre la soft law, c’est-à-dire les bonnes pratiques, et la hard law,
c’est-à-dire la réglementation.

Mais quel rôle pour la Direction générale? Il est capital, car elle devient la
référence pour l’ensemble du personnel. Des enquêtes ont révélé que les agents
corrompus se comportent comme tel par mimétisme vis-à-vis de leurs supérieurs
hiérarchiques. Et comme le dit l’adage latin «A Rome, on fait comme les
Romains». Les salariés interrogés n’invoquent le besoin financier qu’en sixième
position dans l’ordre des raisons qui les ont poussés à la dépravation. C’est
dire le rôle de référent qui est attribué à la Direction générale. Cette
dernière, en cas où elle y adhère, fera respecter les engagements de
transparence et de lutte contre la corruption en son sein et parmi les parties
prenantes. Qui doit commencer par exiger de faire respecter cela? Les pouvoirs
publics pour l’administration et les associations professionnelles, pour la
libre pratique. En la matière, les entreprises publiques ont un rôle moteur à
jouer.

Chasser l’opacité des entreprises publiques: est-ce à l’ordre du jour?

Malgré un travail bien fouillé, Kamel Ayadi, en abordant le sujet de la morale
et de l’éthique dans les mœurs entrepreneuriales, aurait dû associer, selon
nous, les spécialistes de la gouvernance. Le process de moralisation des
affaires du privé ou du public sans open data, c’est-à-dire sans l’obligation
faite aux opérateurs de communiquer, clause fondamentale de gouvernance, peut
toujours dérailler. Mais là où il a été très habile, c’est quand il a évoqué la
recette la plus efficace pour instaurer la transparence en affirmant que la
transparence peut diffuser dès lors que les opérateurs qui y adhèrent s’obligent
à faire souscrire leurs fournisseurs et leurs clients à la charte de lutte
contre la corruption et au comportement intègre des responsables.

Kamel Ayadi a bien dit que les mécanismes de lutte contre la corruption existent
bel et bien et que leur adoption est une affaire de volonté. Il a glissé que les
entreprises publiques peuvent commencer par les appliquer, si la volonté
politique y est. Elles entraîneraient de facto les opérateurs du privé à y
adhérer. Et, en effet, c’est une voie passante. Ce faisant, il a mis les choses
en ordre. Si on veut éradiquer le phénomène de l’opacité et ne plus exposer le
pays au retour de l’épidémie de la corruption, la solution est tout indiquée.