Le calme et le civisme ayant marqué, hier, les marches populaires célébrant la fête du Travail sur l’Avenue Bourguiba mais aussi dans certaines villes du pays, dont Sfax qui l’a vécue dans l’allégresse, ont balayé toutes les appréhensions, avérées sans fondement, et redonné l’espoir de voir tourner définitivement la page des tensions qui ont secoué notamment le centre de la capitale à plusieurs reprises. Aujourd’hui, pour donner tout son sens à cette fête, il n’y a que, justement, le travail –pour peu que tout le monde s’y mette– qui soit à même de relancer l’économie du pays qui a beaucoup pâti depuis seize mois à cause des grèves et des sit-in pas toujours justifiables.
Néanmoins, c’est le travail, encore et toujours, qui reste la plaie dont souffrent beaucoup de nos concitoyens, particulièrement à l’intérieur de la République. L’euphorie générale ressentie et manifestée hier par quelque vingt mille travailleurs a failli être ébréchée par la tentative de suicide, avorté de justesse, d’un jeune sit-inneur devant le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, au bout de vingt deux jours de grève de la faim collective observée avec neuf de ses amis du bassin minier. De fait, les correspondants de la Radio et de la Télévision nationales en place à Gafsa ont parlé de «froid et indifférence» à l’occasion de la célébration du 1er Mai. C’est dire que, malheureusement, la fête n’a pas été générale. Les secteurs public et privé sont plus que jamais appelés à ne rien ménager en vue de résorber le maximum possible le chômage des jeunes et des diplômés du supérieur, à charge pour l’Etat de traiter d’urgence le dossier de la Compagnie des phosphates de Gafsa.
A signaler également d’autres revendications exprimées hier par deux nouvelles formations syndicales –l’Union tunisienne des travailleurs, et la Confédération générale tunisienne du travail– exigeant, la première, la liberté d’expression, le pluralisme syndical, la dignité des travailleurs, les droits des martyrs et des blessés de la révolution, ainsi que le droit des chômeurs; et, la seconde, des actions concrètes pour assurer le pluralisme syndical, l’indépendance de l’administration et le refus de la résolution des conflits par les interventions policières, de même que la rupture avec la culture du syndicat unique et la lutte contre les dépassements affichés dans plusieurs secteurs et plusieurs régions.
Malgré le caractère tout à fait légitime de l’ensemble des revendications, il reste indéniable que le dossier le plus brûlant, prioritaire et urgent est celui de l’emploi des diplômés du supérieur et des jeunes en général. Il n’y a que le statut social qui assure sa dignité à l’homme. Et c’est seulement alors que la fête sera générale.