Grèce : le paradis touristique de l’île de Santorin essaie d’ignorer la crise

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île de Santorin, en Grèce, en juillet 2007 (Photo : Sakis Mitrolidis)

[03/05/2012 08:32:33] SANTORIN (AFP) 26 euros pour une paire de tongs, 10 euros pour une course de taxi de cinq minutes et des tarifs inabordables pour les résidents de l’île qui vont faire leurs courses à Athènes. Bienvenue dans le paradis touristique de Santorin en mer Egée, qui essaie d’ignorer la crise.

Elue plus belle île du monde par le magazine Travel and Leisure en 2011, attirant des foules du monde entier, le haut lieu du tourisme cycladique continue de vivre dans une bulle d’inflation, au moment où les Grecs subissent des baisses de revenus importantes dues aux mesures d’austérité mises en place pour éviter la faillite du pays.

Santorin, une île-volcan à demi-immergée, est célèbre pour ses spectaculaires couchers de soleil faisant flamboyer les villages immaculés qui s’accrochent à la falaise couleur de lave. L’île, connue pour son vin unique issu des terrains volcaniques, renferme aussi un patrimoine archéologique de premier ordre datant de l’âge de bronze.

Selon les commerçants locaux, 80% des visiteurs ne sont pas Grecs. Durant les dernières vacances de Pâques, on trouvait surtout des étudiants ou couples en voyage de noce venant d’Asie, et des retraités. L’an dernier, 180.000 non-Grecs ont été recensés lors de leur passage par l’aéroport, soit 10,5% de plus qu’en 2010.

La réouverture la semaine de Pâques du site archéologique d’Akrotiri, la Pompei grecque, une ville entière conservée dans les cendres du volcan, après sept ans de fermeture, devrait attirer de nouvelles foules pour cette saison.

Mais même les visiteurs aux poches pleines commencent à s’énerver.

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île de Santorin, en Grèce, en juillet 2007 (Photo : Sakis Mitrolidis)

“Je viens de payer 3,5 euros pour un coca-cola, c’est le plus cher que j’ai jamais payé de ma vie”, proteste Denise, une Brésilienne de 59 ans, qui achève un périple en Europe du sud avec son mari.

Ce couple a eu de la chance. Avec l’aide d’un loueur de voiture local, ils ont pu trouver une petite chambre d’hôtel avec vue splendide sur la “caldera” (centre du volcan immergé) pour seulement 60 euros la nuit, au lieu des 170 euros initialement demandés.

Mais pendant la quasi-totalité de leur séjour de sept jours, ils étaient les seuls clients de l’hôtel.

Sur les sites de réservation d’hôtels en ligne, de nombreux visiteurs se plaignent de la différence entre le pedigree de luxe affiché par les établissements et l’état réel des chambres.

“La vue est vraiment spectaculaire, mais on se trouve en face d’hôteliers avides et peu professionnels, ce sont des hôtels de luxe au rabais”, dit un visiteur sur le site tripadvisor.com.

De fait, alors que Pâques marque le début officiel de la saison estivale, beaucoup d’hôtels de Santorin étaient fermés ou quasi-vides, tout en n’hésitant pas à afficher des tarifs de 300 euros la nuit pour une suite donnant sur la caldera.

“Santorin a un produit unique mais il est vrai que le coût devrait être lié au niveau de service reçu”, admet Georges Drakopoulos, directeur de l’association des entreprises du tourisme grec.

D’autant que “cette année, nous devons chausser des jumelles pour voir les touristes”, se plaint un vendeur de souvenirs de Thera, la capitale de l’île.

“Les années précédentes, à cette époque de l’année, nous étions à un taux de remplissage de 60%, on est en baisse de 20-30%”, selon son estimation.

“Les salaires baissent, mais les prix restent les mêmes pour les touristes (…) Dans le cas de Santorin, c’est peut-être parce qu’il s’agit d’un endroit unique et les hôteliers ne veulent pas dévaluer leur produit”, avance Yannis Stournaras, chef économiste de la Fondation pour la Recherche économique et industrielle (IOBE), un think tank lié au patronat grec, “mais ce n’est pas normal”.

Alors que le salaire minimum en Grèce vient tout juste d’être abaissé de 22%, tombant au-dessous de 600 euros par mois, et tirant l’ensemble des salaires vers le bas, beaucoup d’employés de l’hôtellerie sur l’île gagnent moins de 1.000 euros par mois.

“Je gagne 25 euros par jour et je ne peux pas me permettre d’acheter un kilo de viande (sur l’île) ou de prendre le taxi pour rentrer chez moi”, dit Despoina, qui travaille dans un hôtel.

“Lorsque je suis arrivée, le loyer pour une chambre était entre 300 et 400 euros”, l’équivalent d’un loyer de studio à Athènes, dit-elle.

“Je vis à Santorin depuis dix ans, mais je n’ai pas fait de courses ici depuis trois ans”, dit un vendeur de nationalité moldave. “Je demande à mes amis de m’apporter ce dont j’ai besoin d’Athènes.”

Face aux critiques, les commerçants santorins trouvent la parade.

“Nous habitons aussi en Grèce et nous avons du mal à joindre les deux bouts”, dit un commerçant, propriétaire de son magasin.

“Il est vrai que les prix devraient être plus bas si nous voulons attirer des visiteurs pendant la crise”, admet finalement un chauffeur de taxi après avoir tenté d’extorquer une course au double de son prix.

“Mais nous n’avons que cinq mois pour faire notre recette de l’année entière.”