L’Assemblée nationale constituante (ANC) a entamé, mercredi après-midi, sous la présidence de Mustapha Ben Jaafar et en présence du ministre des Finances, Houcine Dimassi, l’examen du projet de loi de finances complémentaire pour 2012, article par article.
Le projet de loi de finances complémentaire pour 2012, qui compte 61 articles, comporte des dispositions liées aux volets économiques, financiers et fiscaux afin de consolider l’investissement et l’emploi, outre, des mesures à caractère social.
Il s’articule autour de quatre principaux axes, à savoir le financement des investissements et la création d’emplois, la conciliation du contribuable avec le fisc, la poursuite de la réforme du système fiscal et des dispositions diverses.
L’ANC a adopté l’article 1 nouveau relatif aux chapitres du budget, avec un total de 133 constituants (102 pour, 15 contre et 16 abstentions).
Certains députés se sont interrogés sur l’enjeu de consacrer une enveloppe de l’ordre de 71 millions de dinars au titre du budget de la présidence de la République, dont «les prérogatives sont limitées» contre 22 millions de dinars pour le budget de l’ANC. Une députée a préconisé d’adopter une politique d’austérité en ce qui concerne le budget de la présidence, et ce compte tenu des conditions difficiles que traversent le pays.
Au sujet de l’allègement des charges de subvention des hydrocarbures qui représentent le tiers des dépenses de développement, un autre constituant a suggéré de conclure des accords avec les pays voisins de la Tunisie afin d’acquérir les hydrocarbures à des prix préférentiels, à l’image des accords conclus entre la Jordanie et l’Arabie Saoudite et la Jordanie et l’Irak.
Un autre député a demandé de fixer les dépenses de développement urgentes auxquelles a été consacrée une enveloppe de 797 millions de dinars.
En réponse, Houcine Dimassi, ministre des Finances, a souligné que la réduction du budget de la présidence de la République ne fait pas partie des prérogatives de son département mais les 3 présidences peuvent adresser des demandes à ce propos. Il a précisé que la présidence est une institution de souveraineté sous la tutelle de laquelle sont placées d’autres institutions, telle que l’Instance supérieure de contrôle et l’Institut des études stratégiques lesquelles ont besoin de budgets spéciaux.
S’agissant des dépenses de développement imprévues, il a précisé qu’elles seront destinées à la lutte contre l’augmentation des prix des carburants au niveau du marché international et l’augmentation du déficit des entreprises publiques, classées en 3 catégories (économiques, fonds sociaux et municipalités). Le déficit de ces entreprises a atteint 200 millions de dinars en 2011. Il a souligné qu’à chaque fois que le baril de pétrole augmente d’un dollar et que le taux de change du dinar tunisien recule de 10 millimes par rapport au dollar, le budget de l’Etat aura à supporter des charges additionnelles d’un montant de 36 millions de dinars. Des efforts, a-t-il dit, sont déployés pour conclure des accord avec la Libye en vue de l’acquisition de carburants à des prix préférentiels. M. Dimassi a ajouté qu’en cas de réussite de ces efforts et la garantie d’un prix préférentiel de 82 dollars, les dépenses de subvention des carburants seront révisées.
Par ailleurs, dans leurs interventions, les constituants ont demandé, lors de la discussion de l’article deux (dispositions du budget), de délimiter les ressources de l’Etat provenant des biens confisqués du président déchu et de sa famille. Le ministre a précisé que les liquidités trouvées dans les les palais présidentiels ne dépassent pas les 50 millions de dinars. Quant à la valeur des obligations, le ministre a relevé qu’elle a atteint 140 millions de dinars, celle des comptes bancaires s’est élevée à 60 millions de dinars, et les valeurs mobilières pouvant être cédées sont estimées à 200 millions de dinars.
Les participations du président déchu et de sa famille aux six entreprises, dont les sociétés Ennakl et Ciment de Carthage, sont estimées à 700 millions de dinars. M. Dimassi a souligné que ces montants, qui devraient être intégrés aux ressources de l’Etat, demeurent des estimations, et que leur révision à la hausse ou à la baisse est plausible, suivant les opérations de cession.
Lors de l’examen de l’article 3 (mesures relatives au financement de l’investissement et la création d’emplois), les constituants ont souligné que cet article ouvre la voie à une nouvelle forme de blanchiment d’argent sous prétexte de financement des projets d’investissement dans les régions, s’interrogeant sur les mécanismes mis en place pour y faire face. Certains députés ont réclamé de supprimer l’article 3 le considérant comme inutile dans la mesure où il ne permet pas de juger ceux qui ne se sont pas acquittés de leurs impôts et les traitent sur le même pied d’égalité que les contribuables volontaires.
D’autres constituants ont suggéré de consacrer un article spécifique à ceux accusés d’évasion fiscale dans le cadre de la loi de finances. Une députée a considéré que cet article (3) exonère les évadés fiscaux et pèse sur les personnes soumises au régime forfaitaire.
Certains ont évoqué l’absence de lien entre l’investissement et l’emploi. Un constituant a recommandé de prendre des dispositions urgentes en vue de lutter contre l’évasion fiscale.
Pour le ministre des Finances, la réalisation de la loi des finances complémentaire qui constitue un projet exceptionnel, sera basée sur trois éléments: le caractère exceptionnel de la conjoncture, la facilitation du paiement de l’impôt pour renforcer les ressources de l’Etat et la lutte contre le phénomène de l’évasion fiscale.
Slim Besbès, secrétaire d’Etat chargé des Finances, a pour sa part mis l’accent sur la nécessité de mettre l’article 3 dans son cadre, précisant que ledit article ne concerne pas l’exercice 2012 seulement. Il a précisé que la reddition fiscale n’empêche pas celle juridique des évadés fiscaux, ajoutant que l’article 3 n’ouvre pas la voie au blanchiment d’argent. L’objectif recherché est d’intégrer les richesses non déclarées dans le circuit économique, outre le renforcement de l’investissement et de l’emploi, a-t-il précisé. 173 députés ont participé au vote de l’article 3 dans sa version initiale (89 ont adopté l’article, 73 ont voté contre et 11 se sont abstenus).
WMC/TAP