Deux ans d’austérité en Grèce, trois générations ébranlées

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à un euro le 14 mars 2012 à Athènes (Photo : Louisa Gouliamaki)

[04/05/2012 08:49:49] ATHENES (AFP) Dans une autre vie, Dina l’étudiante enchaînait les entretiens d’embauche, Gerassimos le commerçant attendait sereinement la retraite et Maria la mère de famille ne s’imaginait pas en passionaria de la cause des salariés. C’était il y a deux ans en Grèce. Puis la crise est arrivée.

Le 2 mai 2010, le gouvernement de l’ancien Premier ministre socialiste Georges Papandreou annonçait, face au spectre de la faillite du pays, une longue liste d’efforts et de réformes en échange d’un premier prêt de 110 milliards d’euros venu de la “troïka” (FMI, BCE, UE).

Ce premier “mémorandum” a été suivi d’un second, en février dernier, lorsque le premier plan s’est avéré insuffisant face à l’ampleur de la crise, qui secoue l’euro sur ses fondations.

Ces deux années ont changé la vie des Grecs, jeunes et vieux, un peu ou beaucoup, matériellement et moralement.

Dans son nouvel appartement du centre d’Athènes, Dina Karamani devrait jubiler: un premier chez-soi, à 28 ans, après des chambrettes étudiantes et un retour chez ses parents, au Pirée.

Mais la jeune femme a la peur au ventre: “Avant la crise, cet appartement aurait été un grand pas mais là je vis dans l’angoisse de devoir le quitter”.

Elle a longtemps cherché avant de trouver un deux pièces entrant dans son budget, moins de 250 euros, et s’est assurée qu’il soit suffisamment grand pour prendre un colocataire, si besoin.

Dina a pu mettre un peu d’argent de côté depuis qu’elle a décroché cet été des traductions à domicile qui lui rapportent environ 500 euros par mois. Là encore, un chemin de croix.

“J’ai cherché pendant des mois, je ne trouvais aucun travail. Je n’ai même pas décroché d’entretien alors qu’en 2006, j’avais travaillé durant un an et j’avais eu beaucoup de réponses à mes candidatures”.

En attendant de terminer un mémoire de recherche en histoire médiévale, ses traductions lui permettent de payer ses dépenses quotidiennes mais sans couverture sociale.

L’émission qu’elle anime sur une radio amateur pour “donner un autre regard sur l’actualité grecque” est une de ses rares soupapes.

Maria Chira a trouvé une autre forme d’échappatoire: cette ronde et pétulante quadragénaire a décidé de se présenter aux élections du personnel de son entreprise, Hellenic Petroleum, leader national dans son secteur.

Les élections auront lieu mi-mai et cette mère de deux enfants semble ne pas en revenir de son audace: “Jamais je n’avais envisagé de prendre ce genre de responsabilités et j’ai réfléchi pendant des mois. Mais je considère que c’est mon devoir maintenant que les droits des salariés sont attaqués”.

Son premier défi consistera à discuter pied à pied les nouvelles conventions collectives de sa société alors que les renégociations déjà conclues dans d’autres entreprises ont abouti à des baisses de salaires en rafale.

Dans son appartement coquet, tout de napperons et bois vernis, d’une banlieue résidentielle d’Athènes, Maria Chira se considère comme chanceuse: ni son salaire de 1.200 euros, ni les primes qui l’accompagnent n’ont été touchés.

Mais elle n’a pas à regarder loin pour voir les effets de la récession: son mari à la tête d’une micro-société de produits de coiffure a vu fondre ses revenus de 30 à 40%. Sa mère a perdu 7.000 euros de retraite par an depuis 2010. Toute la famille a d’ailleurs emménagé au même domicile pour économiser un loyer, “par précaution”.

De retraite, Gerassimos Kavvadias n’ose plus en rêver. A presque 70 ans, cet épicier distingué n’a même jamais travaillé autant: “Désormais le magasin est ouvert de 08H00 à 22H00, et c’est juste pour payer mes factures, tellement elles ont augmenté”.

Son épicerie est pourtant située dans un quartier aisé de la capitale mais “là où les clients dépensaient dix euros, ils s’arrêtent à deux et se contentent du strict minimum”.

Le souvenir des dernières fêtes de Pâques, aussi importantes que Noël pour les Grecs, lui fait monter les larmes aux yeux: pour la première fois, il n’a rien pu offrir à ses petits enfants.

Lorsque les sentiments débordent, il écrit et dessine. Ses oeuvres crayonnées durant les heures creuses du magasin ornent les murs. Ses derniers vers parlent de “la gauche, la droite, les mensonges, les rêves, les espoirs, les luttes, autant d’erreurs”.