Plus fortement engagée en Tunisie depuis la chute du régime Ben Ali, la Grande-Bretagne –dont le ministre des Affaires étrangères, William Hague, a été le premier à visiter la Tunisie après le 14 janvier 20111- est active sur les terrains politique, économique, culturel, social, etc. Son ambassadeur à Tunis, Chris O’Connor, se dit optimiste sur l’avenir du pays où il opère depuis trois ans.
WMC: Il y a près d’une année le G8 avait promis à la Tunisie et à l’Egypte l’octroi de 20 milliards de dollars. Ces promesses n’ont pas été tenues à ce jour. Pourquoi?
Chris O’Connor: L’élément international se compose de trois éléments. Et c’était peut-être la faute de la communication au moment du G8 de ne pas séparer clairement les trois éléments que sont les dons, les prêts et l’ouverture de marché et, surtout, de préciser l’importance ce chacun. Tous les trois sont très importants et répondent à des besoins de l’économie tunisienne. Vous dites qu’on n’a rien vu venir. Ce n’est pas évident que rien n’a été fait. Mais je comprends qu’il y ait un décalage entre les attentes et ce qui a été fait.
Pour les dons, il y a plusieurs partenaires internationaux parmi lesquels la Grande-Bretagne qui, comme je l’ai dit, a maintenant un programme qu’elle n’avait pas avant. Il ne s’agit pas de prêts puisque les actions de construction de capacité sont financées sur le budget britannique. Ensuite, l’Union européenne a doublé son budget de coopération.
Il est incontestable que les budgets ont augmenté, mais il est tout aussi incontestable qu’ils ne totalisent pas les 20 milliards de dollars.
Il y a ensuite les prêts. Ils sont importants même si un pays doit les rembourser à l’avenir. Ils sont bénéfiques pour une économie qui a un bon avenir mais qui doit passer par une période complexe. Et à la différence des dons, ces prêts –accordés par la BAD, la Banque mondiale, la BEI et plusieurs pays- se comptent en milliards. Ils serviront à financer de très importants projets d’infrastructures.
Enfin, l’ouverture de marché. Et à mon avis, c’est le plus important pour l’avenir du pays. Si les partenaires internationaux de la Tunisie, et l’Union européenne en particulier, ouvrent davantage leurs marchés, ce sera le vrai moteur de l’économie tunisienne pour le plus grand profit de l’ensemble de la société.
La Tunisie serait-elle capable de résoudre ses problèmes économiques et sociaux sans une aide budgétaire que l’actuel gouvernement a estimée à 1 milliard d’euros par an en 2012 et en 2013?
Oui, je pense qu’elle peut s’en sortir. Que la contribution budgétaire soit maximale ou minimale, il y aura toujours des difficultés. Ce qui est important pour surmonter les défis, ce n’est pas l’argent, c’est la compréhension des droits. Est-ce que les manifestants ont le droit de manifester et exprimer très clairement leur point de vue? Oui. Est-ce qu’ils ont le droit d’attaquer quelqu’un? Non. Est-ce que les gens ont droit de faire grève? Oui. Est-ce qu’ils ont le droit d’empêcher les autres d’aller à leur travail? Non. Cela n’a rien à voir avec l’argent. C’est une question de consensus national sur les droits, les libertés et l’importance de la loi.
J’ai vu qu’il est très difficile pour les gens de savoir où se situent les limites de leurs droits. J’ai également vu des progrès et des discussions ouvertes sur ce sujet et que des gens de tous les partis ont compris qu’un Etat de droit est essentiel. Et le cercle est vicieux ou vertueux: si les investisseurs voient que leurs employés peuvent accéder à leurs lieux de travail, ils vont investir…
Vous avez été récemment reçus par le président Marzouki en compagnie des responsables de la société Nur Energie qui projette de réaliser une centrale solaire dans le sud de la Tunisie. Le changement que connaît la Tunisie peut-il lui permettre d’attirer plus d’investisseurs britanniques?
La réponse est oui. Il y a des interrogations. Certes, il y a beaucoup d’optimise que les conflits sociaux avec cette confusion sur la frontière entre droit de grève et d’association et respect de la loi seront résolus. Mais si cet optimisme n’est pas réalisé, ce sera un obstacle. Nous percevons une volonté politique et une dynamique pour mettre en place un mécanisme de lutte contre la corruption, mais ce n’est pas encore réalisé. Cela le sera-t-il rapidement et efficacement, pour la plus grande satisfaction de tout le monde? C’est un défi, un très grand défi parce que la corruption était par le passé un des plus grands obstacles à l’investissement.
Il reste également à mettre en place une justice indépendante à laquelle les investisseurs peuvent s’adresser en toute confiance en cas de litige. Je suis très optimiste que ces éléments vont être établis, et s’ils le sont, les atouts de la Tunisie –éducation, infrastructures, proximité de l’Europe- pourront être réalisés au maximum. Nous sommes là avec toutes les instances financières internationales à aider à répondre à ces défis. Une fois ces défis surmontés, l’opportunité d’opérer un changement de vitesse radical sera ouverte à la Tunisie.