Il y a deux pays au monde où l’arrivée, à chaque fois, au pouvoir d’un nouveau président, fait rêver les Africains et les Arabes. Le premier est indiscutablement les Etats-Unis. De cette première et grande puissance mondiale, c’est le monde entier, en vérité, qui en attend toujours des merveilles dont rien ne dit qu’elles peuvent être réalisées. A tant espérer des dons, des aides et des avantages des USA, on a fini par oublier qu’ils sont tout de même un peu plus de 308 millions d’habitants et qu’ils ont leurs propres problèmes économiques et sociaux; qu’ils n’ont pas, après tout, pour seule vocation d’aider le reste du monde. Avec les Bush père et fils, pour ne citer que les derniers en date (1989-1993; 2001-2008), le monde arabe et l’Afrique n’ont pas récolté autre chose que la déception –sinon quelques crédits à terme et des miettes sous forme de dons.
Pour l’Afrique, c’est plutôt la France qui se positionne en tant qu’amie de longue date en vertu d’une Histoire commune. A cette amie, l’Afrique n’arrête pas de tendre la main. Tout le monde, en Afrique et au Maghreb, tend la main à la France. Plus qu’une amie, la France est prise pour une ‘‘maman légitime’’, ce qui fait qu’Africains et Maghrébins se sentent en droit de demander –et d’obtenir– des dons de la mère. Les sans-emploi rêvent d’y aller travailler; les étudiants rêvent d’y aller poursuivre leurs études; les diplômés du supérieur, en chômage, rêvent d’y décrocher un poste; et tous les citoyens confondus rêvent de voir mettre fin au visa d’entrée en France. Mais c’est, à plus haute échelle, les Etats africains et maghrébins qui rêvent de voir… effacer une fois pour toutes l’ardoise de leurs crédits –ou du moins le rééchelonnement à l’infini de leur remboursement.
Voici donc arrivé au pouvoir le socialiste François Hollande. Que faut-il en attendre? De passer l’éponge sur nos crédits? De nous en octroyer bien d’autres? De résorber le chômage de nos diplômés du supérieur? De prendre en charge toute notre main-d’œuvre désœuvrée? D’inciter plus d’entreprises à investir chez nous? … A supposer que toutes ces demandes soient légitimes –ce n’est certainement pas vrai–, est-ce notre destin, nous Tunisiens, d’être toujours des demandeurs, des mendiants enquiquinants, de pauvres petites gens à la merci et à la traîne de notre amie la France?
Evidemment, en cette période critique que traverse la Tunisie, nous semblons nous plaire dans l’idée que nous avons réalisé une Révolution et que, somme toute, il est tout à fait logique que nous ayons encore besoin de nos trois premiers partenaires, dont la France vient en tête. Mais jusqu’à quand?!… Il faudrait nous dire que durant la période beylicale, la France nous aidait; que sous Bourguiba, la France nous prêtait encore et toujours main forte; que sous Ben Ali (ce cher Ben Ali qui nous a ruinés pour enrichir les siens), la France ne nous a pas largués dans la nature. Mais jusqu’à quand?!… Il faudrait surtout se dire qu’aujourd’hui, beaucoup plus que les Africains et les Maghrébins, ce sont d’abord les Français eux-mêmes qui s’attendent à beaucoup de choses de la part d’Hollande. C’est que, depuis l’avènement de l’euro, les Français sont très mal à l’aise et se demandent si quelqu’un va réellement pouvoir les sortir de leur crise.
Ne rêvons pas trop. Nous ne sommes pas les enfants de la France. Notre mère légitime n’est autre que la Tunisie. Il n’y a personne au monde qui puisse aimer la Tunisie autre que les Tunisiens. Un pays que ses propres bras ne construisent pas reste toujours colonisé, ou plutôt: un mendiant! Il est vrai que notre sous-sol ne produit pas des merveilles, mais nous avons une chance d’être seulement quelque onze millions d’âmes sur 164 mille km2. Nous ne sommes pas riches, mais nous ne sommes pas surpeuplés non plus. Sachons travailler et prenons-nous en charge nous-mêmes. Surtout, arrêtons de tendre la main. La main basse ne génère pas la grandeur.