Quel sera le taux de participation? Quel sera le score du FLN, le parti de l’indépendance? Quelle sera la place des Islamistes qui ont créé le front l’“Alliance de l’Algérie verte“? Telles sont les principales questions posées à l’endroit des législatives du 2012 que l’establishment, à commencer par le président Bouteflika, souhaite exemplaires.
C’est une élection à trois inconnues que celles qui se déroule ce jeudi 10 mai 2012 en Algérie. La première concerne le taux de participation à ces élections législatives sur laquelle tout l’establishment, à commencer par le président Abdelaziz Bouteflika en personne, fonde beaucoup d’espoir. La seconde a trait au score du FLN (Front de Libération Nationale), le parti qui a mené le pays à l’indépendance en 1962. La troisième et dernière inconnue se rapporte au score qu’obtiendront les Islamistes qui se sont coalisés pour se présenter en rang serré.
Quel sera le taux de participation à ces élections annoncées par le président Bouteflika dans son discours radio-télévisé du 9 février 2012 qui fait écho à son autre discours historique du 15 avril 2011 sur les nécessaires réformes politiques en Algérie? Certains échos publiés dans la presse internationale font souvent état d’un certain désintérêt pour ces élections. On a parlé de la faible participation des Algériens à la campagne électorale qui a duré 21 jours (du 14 avril au 6 mai 2012). En témoigne l’annulation par le FLN d’une réunion électorale. Ou encore «la vandalisation des panneaux d’affichage des listes sur lesquels ont été inscrits des mots peu amènes pour les candidats» (Dixit le correspondant de l’agence AP à Alger).
25.800 candidats
Les Algériens seraient, aux dires de certains commentateurs, plus intéressés par le chômage qui touche notamment les jeunes (près de 21%) et la cherté de la vie. Le prix de la pomme de terre a défrayé, en avril 2012, la chronique. Le kilo a été vendu à 120 dinars algériens (environ 2,5 dinars tunisiens)
Ces élections ne manquent pourtant pas de piquant. En effet, 41 partis politiques, dont 21 nouvellement agréés, et 118 listes indépendantes ont enrichi l’offre politique avec 25.800 candidats qui se présentent aux suffrages de 21,6 millions d’électeurs inscrits.
De plus, et sur instructions du président Bouteflika, tout a été mis en œuvre pour réussir ce rendez-vous électoral. Notamment en lui assurant toutes les conditions de transparence avec surtout l’adoption, à l’instar de la Tunisie, d’un seul bulletin électoral pour tous les candidats en lice, et la forte présence d’observateurs algériens et internationaux.
Et signe de cet engagement, le président Bouteflika a promulgué, le 9 février 2012, les lois organiques relatives notamment au régime électoral, aux cas d’incompatibilité avec le mandat électoral et à l’élargissement des chances d’accès de la femme à la représentation dans les assemblées élues.
Fragilisation du FLN
Un seul parti politique a du reste boycotté ces élections: le RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie) de Saïd Saâdi qui a estimé, en février dernier, que ces élections connaîtront des «manipulations pour gonfler le taux de participation et falsifier les procès-verbaux de consolidation des résultats».
Quel sera maintenant le score du FLN, le principal parti algérien (136 députés sur les 389 que compte l’Assemblée Nationale Populaire sortante) et qui bénéficie somme toute d’une aura du fait de son éminemment important dans l’indépendance de l’Algérie laquelle fête cette année le cinquantième anniversaire (5 juillet 1962 – 5 juillet 2012)?
Ce parti, on le sait, est en proie depuis une quinzaine d’années à de véritables dissidences qui l’ont fragilisé. La dernière en date est dirigée contre son Secrétaire général et ancien Premier ministre, Abdelaziz Belkhadem (2006-2008) au sujet des listes électorales présentées dans les différentes circonscriptions du pays. Ces dernières auraient été établies en fonction de calculs personnels sans prendre en ligne de compte les intérêts du parti et… ses statuts. Des observateurs parlent, à ce sujet, d’une véritable cabale: 200 membres du comité central du FLN sur les 351 que compte cette instance se sont ligués contre lui. Certains disent que l’homme se préparerait à la succession du président Bouteflika!
Conséquence: le FLN avance, le 10 mai, bien divisé. Des leaders et des cadres du parti disent ouvertement que les militants et électeurs du parti sont libres de voter selon «leur conscience». Ce qui veut tout dire.
L’armée, le gardien du temple
Quid maintenant des courants dits islamistes. Le MSP (Mouvement de la Société pour la Paix), qui fait partie du front bâti, en 2004, avec le FLN et le RND (Rassemblement National Démocratique) de l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia (1995-1998, 2003-2006 et 2008 à nos jours) rejoint El Islah et Ennahdha pour constituer, en mars 2012, une «Alliance de l’Algérie verte». Histoire sans doute pour ces trois mouvements d’obédience islamiste de surfer sur la vague verte qui a amené des partis islamistes au pouvoir en Tunisie et au Maroc voisins.
Gagneront-ils les élections du 10 mai 2012? Des observateurs en doutent. Ils pensent que les Islamistes qui gagneront ces élections seront ceux du Front pour la Justice et le développement d’Abdallah Djaballah bien considéré par la base islamiste.
Quoi qu’il en soit, les résultats des élections du 10 mai 2012 ne devront pas provoquer un séisme. Et ce pour au moins trois raisons. D’abord, parce que l’Algérie s’est ouverte depuis déjà quelque temps au jeu démocratique. Son ANP n’est plus monocolore depuis une quinzaine d’années: une vingtaine de familles y cohabitent.
Deuxième raison: le peuple algérien qui a souffert du terrorisme et de la violence dans la dernière décennie du XX ème siècle ne veut plus de violence et de vie politique «tourmentée», selon l’expression d’un connaisseur du terrain algérien.
La troisième raison? L’armée, qui continue à être le gardien du temple, ne laissera pas faire. Elle veillera à ce que les règles démocratiques soient respectées.