Le développement de la coopération touristique tuniso-allemande a été au centre d’une séance de travail entre le ministre du Tourisme tunisien et le secrétaire d’Etat allemand chargé de l’Economie et de la Technologie. Durant cette réunion de travail, il a été question du développement des relations entre les deux pays, de formation et de promotion ainsi que du développement d’un tourisme culturel plus respectueux de l’environnement. Un sujet pour lequel on connaît la sensibilité et l’engagement des Allemands.
En ces temps où la nouvelle gouvernance tunisienne met en avant le rapprochement avec les pays du Golfe et œuvre à attirer de nouveaux investissements touristiques, comme ceux des éventuels mégaprojets restés en suspens depuis l’ère Ben Ali, il convient de se demander si le tourisme tunisien réussira ce pari.
Ne serait-il pas risqué d’attirer une nouvelle clientèle en diversifiant ses segments de clientèle classique européens en se basant sur un modèle qui certes a fait ses preuves ailleurs mais qui, déraciné de son contexte, pourrait ne pas répondre aux objectifs et attentes aussi bien de la destination que de ses clients? Un tourisme qui ne répondrait pas forcément aux goûts des nouveaux segments de clientèles allemandes, entre autres, que la Tunisie veut convaincre et séduire à nouveau?
La question se pose de façon plus générale: un modèle touristique basé sur l’exemple du Qatar ou de Dubaï serait-il d’ailleurs applicable en Tunisie?
Pour le secrétaire d’Etat allemand, Ernst Burgbacher, il ne fait aucun doute que “la Tunisie recèle de grandes potentialités à développer dans le domaine touristique (tourisme écologique, tourisme culturel…). S’il se doté d’une offre diversifiée, le pays pourra soutenir son positionnement sur les marchés étrangers, notamment celui allemand”. Ne conviendrait-il pas donc de convertir et rentabiliser le patrimoine autant naturel que culturel de la Tunisie et inviter les investisseurs à prendre en considération les opportunités de notre pays sans forcément s’empresser à attirer des capitaux avec des projets quasi prêts généralement bâtis sur une dimension principalement spéculative?
Le responsable allemand a, durant cette réunion de travail, ajouté: “Nous sommes en Tunisie pour établir des contacts avec les professionnels dans les secteurs du tourisme, des énergies renouvelables, de l’industrie et des banques et, partant, pour développer la coopération et le partenariat entre les deux pays”.
Il est indéniable que l’environnent et les énergies renouvelables sont des thèmes chers à la clientèle allemande. On apprend d’ailleurs qu’un projet tuniso-allemand sur “les énergies renouvelables de l’hôtellerie” est actuellement en cours de réalisation entre la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME), la STEG et l’Agence allemande de coopération internationale (GIZ). L’objectif de ce projet est la maîtrise de la facture énergétique dans l’hôtellerie et la production d’énergies propres (autoproduction) dans les unités hôtelières.
L’Allemagne s’est détournée de la destination Tunisie depuis les attentats de Djerba. Au-delà des facteurs conjoncturels, ce sont la qualité des prestations, un environnement approximatif et un produit si peu en phase avec les attentes et les motivations du touriste allemand qui ont fait que ce marché a dégringolé. En 2011, une baisse de 41% des flux touristiques a été réenregistrée puisqu’au cours de la même année, 270.000 touristes ont choisi notre pays comme destination de vacances contre 458.600 en 2010.
Avec 82,5 millions d’habitants, l’Allemagne est le pays le plus peuplé de l’Union européenne. Ses habitants ont une grande tradition de voyage et ont longtemps été considérés comme le plus important pays émetteur de touristes au monde. Depuis quelques années, d’importantes transformations se sont opérées au niveau des comportements du marché et de ses attentes. Les Allemands bénéficient de 6 semaines de vacances dans l’année et dédient en moyenne 4% de leur revenu au budget des vacances à l’étranger. Le classement de leurs destinations préférées a aussi changé. L’Espagne, l’Autriche et l’Italie occupent désormais le haut du podium. La France, longtemps favorite, est reléguée depuis 2000 à la quatrième position.
Aujourd’hui, l’Allemagne fournit de grands efforts pour entourer la Tunisie durant sa phase de transition démocratique. La révolution tunisienne et les perturbations dans la région portent de profondes turbulences sur le tourisme. Il est essentiel de rester prudent aux modèles à bâtir. Il s’agit d’avoir les moyens pour choisir. En l’état actuel des choses, il est impératif de s’engager sur des voies pour faire repartir la machine touristique tunisienne et à moindre coût. Avec efficience et inventivité.