Tunisie : Les forces de sécurité, bouc émissaire de la révolution?!

force-securite-090512.jpgEncore une autre version de ce qui s’est passé la veille et le lendemain du 14 janvier 2011. Les mêmes événements, sauf quelques détails, mais les interprétation diffèrent. Voici donc la version de l’Union nationale des syndicats des forces de sûreté tunisienne (UNSFST), lors de la conférence de presse organisée ce 9 mai 2012.

En effet, au cours de cette rencontre avec les journalistes, l’Union a voulu donner des éclaircissement «sur les dérapages sécuritaires au cours de la révolution» ainsi que sur certaines informations mensongères” véhiculées par les médias pendant cette période. Il s’agit aussi de mettre l’accent sur certains responsables de l’ancien régime et leur rôle dans l’aggravation de la situation sécuritaire.

Orchestration…

Le récit des événements racontés par Anis Mogâadi, porte-parole du syndicat de la sécurité présidentielle et des personnalités officielles, montrent que toute la responsabilité des dérapages sécuritaires doit être assumée par Ridha Grira, ancien ministre de la Défense du temps de Ben Ali. C’est lui qui aurait orchestré, depuis le 8 janvier 2011, date de la réunion d’urgence de la cellule de crise qui a rassemblé entre autres le général Rachid Ammar, chef d’Etat-major de l’armée de terre, Rafik Belhaj Kacem, ministre de l’Intérieur, le général Ali Seriati, directeur de la sécurité présidentielle, et Mohamed Gueriani, secrétaire général du RCD et éventuellement Ridha Grira.

Une journée auparavant, les perturbations sécuritaires ont atteint leur summum à Tala. Les forces de sécurité ne pouvaient plus contrôler la situation. Le ministre de l’Intérieur, Rafik Belhaj Kacem, a appelé dans la soirée, exactement à 21h, l’armée à les soutenir. Ce qui n’a pas été fait puisqu’à 21h20, il donne les ordres pour les militaires de faire demi-tour à Kasserine. Le 8 janvier 2011, le drame survient à Tala. «Rafik Belhaj Kacem en est le principal responsable puisqu’il a annulé le renfort de l’armée pour contrôler la situation», avance le président du syndicat.

Après cette réunion, le général Seriati a demandé aux responsables politiques de quitter la réunion pour une seconde réunion d’ordre technique. Ce qui n’a pas plu, selon le récit de M. Mogâadi, à Grira. Le 9 janvier 2011, les troubles sécuritaires se propagent à Makthar, Siliana, Menzel Bouzaine, Sbitla, Hidra, etc. Le 10 janvier 2011, le ministre de la Défense ordonne aux forces de l’armée de porter les habits des forces d’intervention et contrôler les dérapages sécuritaires. Ce que le général Ammar a refusé et finira par convaincre Grira.

Confusion…

Le 13 janvier 2011, le général Ammar reçoit des informations sur le fait que des membres des forces de sécurité sont en train de livrer leurs armes aux casernes militaires. Après avoir informé le ministre de la Défense, celui-ci ordonne de ne plus recevoir ces armes. Il appelle ensuite le Premier ministre Mohamed Ghannouchi lui confiant sa crainte sur un coup d’Etat.

Le 14 janvier 2011 à 7H30, Ridha Grira appelle le président de la République et l’informe sur l’état des lieux. A 11h15, le général Seriati ordonne d’inspecter la zone aux alentours du palais présidentiel, après avoir reçu des informations sur des protestations à l’avenue Habib Bourguiba. L’hélicoptère chargé de cette mission comporte, généralement, selon M. Mogâadi, un pilote, un mécanicien et un membre non armé des forces spéciales. Mais Grira, contacté par le colonel-major Taïb Lajimi, chef d’Etat-major de l’armée de l’air, ordonne de faire parvenir un officier de l’armée militaire, muni d’une arme, à savoir le colonel Mohamed Mechmech.

A la fin de la même journée, le colonel Samir Tarhouni, chef de la brigade anti-terrorisme, arrête les Trabelsi, à l’aéroport Tunis-Carthage. A 16h54, le président déchu et sa famille sont à Laouina. Le général Lajimi informe Grira par téléphone, ce que celui-ci a nié dans son interview accordée à Mosaïque FM. A 17h47, il est informé que l’avion présidentiel est prêt à décoller. «Qu’il fasse vite!», a-t-il lancé, toujours selon le récit de M. Mogâadi.

Celui-ci indique que, sur la base des investigations d’une société américaine de télécommunications, le président déchu a appelé Grira sur son téléphone portable pour une durée de 13 minutes alors que Grira a déclaré que la conversation n’a duré que 5 minutes. Il ordonne, ensuite, d’arrêter Ali Seriati qui n’a pas quitté avec Ben Ali, une chose qui a provoqué les doutes de Grira. Avant cela, il lui a proposé de quitter vers un autre pays. Ce que Seriati aurait refusé.

Informations mensongères?

Protéger l’ancien régime serait l’ultime objectif de Grira. Mais la question qui se pose est: aurait-il été le seul à orchestrer tous ces événements? A entendre le récit du syndicat de sécurité et des cadres de la présidence, l’ancien ministre aurait tout fait pour protéger Ben Ali et pour maintenir son régime.

Entre temps, il a appelé Mohamed Ghannouchi qui était au courant des événements et était en route vers le palais présidentiel pour prononcer son discours sur le fameux article 57. Il lui a demandé de faire demi-tour parce que sa vie était en danger. «Grira a voulu empêcher la transition pacifique du pouvoir», lance le président du syndicat.

Grira aurait été aussi responsable de propagation des fausses informations sur les médias, concernant les tireurs d’élite, les milices, les ambulances armées, etc. Il aurait appelé, le 15 janvier 2011, Samir Laâbidi, alors ministre de la Communication, pour «alerter» les médias sur cela ainsi que sur des confrontations entre la sécurité présidentielle et l’armée. Des informations qui ont été relatées par les médias, selon des communiqués officiels du ministère de la Défense. Des interventions de «citoyens» et de cadres sécuritaires ont même été orchestrées, selon le syndicat, pour montrer cet état d’anarchie totale.

«L’institution militaire est tout à fait clean, mais Grira a voulu l’exploiter pour faire retourner Ben Ali. Le 15 janvier 2011 aurait pu être une journée de fête en Tunisie», a affirmé M. Magaâdi.

Bouc émissaire…

D’un autre côté, la conférence de presse a traité de l’affaire de Ouerdanine, dans laquelle on a accusé quatre membres des forces de sécurité de ménager la fuite de Kaïs Ben Ali et ont été inculpés de haute trahison et de comploter contre la sécurité de l’Etat. Ce qui n’est pas vrai, selon l’Union nationale des syndicats des forces de sûreté tunisienne. Ces agents n’ont aucune relation avec cette affaire, insiste-t-elle.

Selon la représentante du comité des avocats chargé de défendre les suspects, la manière avec laquelle a été traitée cette affaire n’était pas assez correcte. Elle a fait allusion à une confusion au niveau des preuves, faisant les agents de sécurité des boucs émissaires.

L’UNFST compte, ainsi, porter plainte en justice contre Ridha Grira et toutes les parties responsables de semer la discorde entre les militaires et les forces de sécurité et d’inciter l’opinion publique contre les agents de sécurité. Elle demande de lever le voiler le visage des responsables de crimes contre les martyres de la révolution.

Elle demande, également, de faire appel à la justice internationale afin de garantir la neutralité et l’indépendance après «avoir perdu confiance dans la justice militaire qui ne détient pas les preuves innocentant les agents de sécurité accusés» et estime qu’il s’agit de «tribunaux politiques et populistes».