Le crash du Soukhoï assombrit les rêves de l’industrie aéronautique russe

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ï (Photo : Noah Seelam)

[10/05/2012 12:38:15] MOSCOU (AFP) L’accident en Indonésie du Superjet 100 de l’avionneur Soukhoï, considéré comme l’espoir de l’aviation civile russe, porte un nouveau coup dur à l’industrie aéronautique du pays en crise depuis la chute de l’URSS, après des catastrophes aériennes en série.

Pour l’heure, les experts se refusent à tirer des conclusions hâtives et attendent d’en savoir plus sur les causes de l’accident.

Mais quoi qu’il en soit, la catastrophe, survenue alors que l’avion faisait un vol de démonstration dans le cadre d’une vaste tournée promotionnelle en Asie, met sérieusement à mal la réputation du dernier né de l’avionneur Soukhoï, dans lequel la Russie place pourtant tous ses espoirs.

C’est “un coup à la réputation de l’aviation russe, tout simplement une claque”, a réagi jeudi sur la radio Echo de Moscou le pilote russe Magomed Tolboïev.

“Notre pays n’a cessé d’annoncer qu’il allait créer un avion qui n’aurait pas d’égal, et voilà ce qu’il se passe”, a-t-il déploré.

Avec le Superjet 100, un programme d’environ un milliard de dollars largement soutenu par l’Etat, la Russie cherche en effet à redorer l’image de son industrie aéronautique, en profonde crise depuis les années 1990 et durement ébranlée ces dernières années par une série noire de catastrophes aériennes.

“Ce tragique accident représente un nouveau revers pour l’ambitieuse industrie aérienne civile russe”, commente l’agence de notation financière Fitch dans un communiqué, qui dit s’attendre à un impact négatif à court terme sur les commandes de cet appareil.

L’avion, capable de transporter une centaine de personnes, pouvant parcourir plus de 4.500 km et d’une valeur catalogue d’environ 30 millions de dollars, ne vole pour l’instant que pour la compagnie russe publique Aeroflot et l’arménienne Armavia.

Mais plusieurs autres compagnies, dont l’indonésienne Kartika Airlines, ont annoncé des commandes pour des dizaines d’appareils. Et il a reçu en février sa certification européenne, ouvrant la voie à sa commercialisation en Europe.

“C’est embêtant” du point de vue commercial, dans la mesure où l’Indonésie est “un pays qui achète énormément d’avions” et où par ailleurs l’Européen EADS et l’Américain Boeing sont “très actifs”, a déclaré à l’AFP Christophe Ménard, analyste chez Kepler Capital Markets.

D’autant que “c’est toujours délicat de se faire une place au soleil” sur le marché des avions régionaux, “un marché très compétitif où il y a plusieurs acteurs, et des acteurs bien établis, comme Embraer et Bombardier”, souligne-t-il.

Pour concurrencer ces rivaux brésilien et canadien sur le marché mondial, Soukhoï s’est pourtant doté de partenaires occidentaux réputés, tels que l’italien Alenia (groupe Finmeccanica), qui détient 25% du capital de Soukhoï Civil Aircraft, et les français Snecma et Thales.

“Cet événement va sans aucun doute ralentir le programme et aura un impact sur sa réputation”, a commenté dans le quotidien Izvestia Rouslan Poukhov, directeur du Centre d’analyse stratégique et technologique.

“Mais cela ne va pas y mettre fin. Et on vendra le Superjet aussi bien sur le marché intérieur que sur le marché international”, a-t-il estimé.

“Le programme jouit d’un soutien politique important, en particulier en ce qui concerne les ventes, qui ne dépendent pas directement de caractéristiques commerciales ou techniques de l’avion”, a pour sa part expliqué au journal Kommersant Boris Rybak, directeur de la société de conseil Infomost.

Aeroflot, qui exploite six appareils et en a commandé 30 au total, a indiqué sur son compte Twitter qu’elle ne renoncerait pas à ses Superjet.