Dans cette seconde partie de l’étude réalisée par le ministère de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche scientifique (voir), nous rappelons aux autorités
publiques en place, aujourd’hui, qu’il est grand temps d’arrêter de s’indigner,
de pleurnicher, critiquer et de dénigrer leurs prédécesseurs pour aller de
l’avant.
Aller de l’avant en essayant de rétablir la situation et d’offrir aux jeunes des
régions intérieures de meilleures alternatives que celles de les caser
systématiquement dans des universités pour tout juste retarder les échéances et
surtout de les respecter assez pour doter leurs universités des moyens humains
et matériels que nécessitent une enseignement supérieur de qualité.
Hédi Zaiem, universitaire, précise à ce propos que le déploiement des
établissements sur le territoire «n’a en réalité jamais obéi à une logique
claire et s’est fait au coup par coup afin de répondre à l’urgence causée par
une évolution rapide des effectifs des accédants à l’enseignement supérieur».
Ceci justifie-t-il que le taux d’encadrement dans les universités de l’intérieur
et surtout au niveau des professeurs catégorie A, soit de seulement 4% à Gabes,
3,4% à Jendouba, 2,2% dans les ISET, 1,9% à Gafsa et 1,6% à Kairouan? Cela
ressemble fort bien à une discrimination de fait. Est-ce pour rabaisser
sciemment les niveaux et compétences des diplômés de l’Intérieur? La question
mérite d’être posée d’autant plus que l’on parle de corruption dans tous les
domaines alors que le plus grand crime commis par l’ancien régime s’est fait à
travers son système d’enseignement dont les victimes aujourd’hui se comptent par
milliers.
L’université, sensée être «une locomotive du développement», est devenue dans
les régions de l’intérieur plutôt une expression de médiocrité
institutionnalisée. Pour Hédi Zaiem «les données objectives montrent que nous
sommes probablement face à une situation très difficile pour ne pas dire
dramatique pour les établissements de l’intérieur du pays. Car, plus que
l’isolement scientifique et culturel et l’inexistence d’un tissu économique
minimal pour fournir un environnement favorable, ces établissements souffrent
d’une grande faiblesse de l’encadrement pédagogique, d’un faible niveau des
étudiants orientés et d’un fort taux d’étudiants “déplacés“ connaissant de
grandes difficultés économiques et sociales. Tout cela engendre inéluctablement
un faible niveau de l’employabilité de leurs diplômés».
Ajuster et généraliser les bonnes pratiques de l’enseignement supérieur au
service de l’employabilité
Pour remédier aux maux de la formation universitaire sur tout le territoire
national, la Commission qui a supervisé l’étude a identifié des pistes dont
celles d’engager un débat approfondi avec les différents acteurs, enseignants,
société civile concernée et étudiants sur les impératifs de l’employabilité,
l’état des lieux et les solutions possibles.
Il faudrait également, estime la Commission, élaborer un tableau de bord pour
chaque établissement et pour chaque filière renseignant sur l’état de leur
employabilité, à partir, en particulier, des indicateurs traités qu’elle a
auparavant traités.
Consolider les ressources humaines du système d’enseignement supérieur par des
spécialistes de l’ingénierie pédagogique, de l’insertion professionnelle,
l’accompagnement pédagogique des enseignants pour la mise en œuvre de formations
plus adaptées aux besoins du marché du travail.
Ajuster et généraliser les bonnes pratiques de l’enseignement supérieur au
service de l’employabilité, tel que l’enseignement technologique avec la
contribution du corps des technologues, l’évaluation des enseignements, les
programmes d’amélioration de la qualité, la co-construction, l’initiation à
l’entrepreneuriat, etc.
Mise en place au niveau des établissements d’un centre spécialisé (avec des
moyens et une large marge de manœuvre) pour la fonction commerciale (placement
des diplômés, l’ingénierie pédagogique, le suivi des étudiants (traçabilité) et
l’accompagnement des étudiants.
D’autre part, préconise l’étude, il faudrait en amont de l’obtention du diplôme,
encourager et accompagner les étudiants à rattraper le déficit de compétences de
base par l’instauration, jusqu’à 50%, des contenus pour les compétences de base,
la validation des compétences de base obligatoire pour les licences,
l’assouplissement de la durée des études en fonction des aptitudes des étudiants
avec, par exemple, la possibilité de faire la Licence en 2 ans et demi, trois
ans ou quatre ans, selon les besoins, sur la base d’un plan préalable d’étude en
fonction du niveau initial de l’étudiant.
En aval de la sortie de l’Université, il serait judicieux d’accompagner les
nouveaux diplômés par une formation additionnelle (sous forme d’un certificat)
pour les compétences de base, une assistance prolongée des étudiants à la
recherche d’un emploi et un soutien actif des nouveaux diplômés qui projettent
de s’établir pour leur propre compte.
Au niveau de la gouvernance, il faudrait encourager la mise en place d’un
processus d’élection des présidents, doyens et directeurs sur la base d’une
vision pour l’Université, l’établissement avec participation des enseignants, de
l’administration et des étudiants et non pas par des désignations ou par des
élections maquillées…
La politique contractuelle entre le ministère et les institutions d’enseignement
devrait prendre en compte la qualité des entrées et de la dotation en ressources
humaines initiales.
Il est également conseillé de codifier les spécialités et coordonner cette
codification avec la formation professionnelle pour améliorer la visibilité des
diplômes et le suivi de l’insertion professionnelle et de coordonner avec
l’enseignement secondaire pour ce qui est des programmes et des pré-requis pour
l’accès à l’Université.
Rappelons à ce propos qu’à une certaine époque en Tunisie, les diplômés de la
formation professionnelle qui exprimaient le désir et possédaient le niveau
requis en étant les premiers sur leurs classes pouvaient accéder à l’université.
Une tradition qui doit être reprise de manière à ne plus décourager, par crainte
d’obstruction de l’évolution dans les études et la carrière, les élèves à opter
pour les cycles de formation technologique et professionnels.
Enfin, il faudrait développer la culture de l’employabilité en associant
l’environnement au fonctionnement de l’Université, par l’incitation des
entrepreneurs à participer activement à la vie de l’Université, à l’enseignement
et à l’encadrement.
L’étude réalisée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
scientifique et dont l’analyse a été faite par des experts dans le cadre des
activités de l’Association Nou-R, a établi le diagnostic et suggéré des
solutions. Espérons que les pistes qu’elle propose ne seront pas balayées comme
ont été écartées des compétences de l’Administration sous prétexte qu’elles
représentent un héritage de l’ancien régime!
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