Endettement extérieur et politique de change dans le contexte de transition : Contraintes de résilience macroéconomique et pistes de réformes pour la Tunisie (6)

Par : Autres

Les contraintes externes du pilotage macroéconomique : Un niveau d’endettement
optimal est-il souhaitable?

Il n’en demeure pas moins qu’on doit évoquer la question du niveau d’endettement
optimal pour la Tunisie. Une lecture rétrospective du profil de l’économie
tunisienne montre que sa capacité d’absorption antérieure durant la période
2005-2010 s’est résumé à un tirage brut moyen sur crédits à moyen et long terme
de l’ordre de 2.220 millions de dinars par an compatible avec un profil de taux
de croissance annuel moyen du PIB à prix constants estimé à 4,6%. Compte tenu de
ces éléments, les dernières projections du FMI (14 cf. World Economic &
Financial Surveys; Octobre 2011), reposant sur les évolutions anticipées des
composantes de la demande intérieure, dénotent d’un profil de croissance de 0%
en 2011 et ne dépassant pas dans les meilleurs des cas 3,9% pour 2012.

Aussi, la mobilisation telle qu’escomptée dans le plan jasmin, de ressources au
titre de la dette externe pour un tirage brut annuel moyen de 4.700 millions de
dinars, apparaît nettement disproportionnée. En fonction des profils de
croissance projetés, la réponse minimale aurait été de mobiliser le tiers de
l’enveloppe ou, au plus, 1.880 millions de dinars, en compensant le reste par un
engagement budgétaire complémentaire sur ressources d’emprunts internes sur le
marché obligataire par une émission d’un emprunt national par exemple.

5. Résultats de l’enquête auprès des chefs d’entreprises: Impératif de réduction
de la dépendance extérieure de la Tunisie

Un questionnaire a été établi afin de collecter les propositions des chefs
d’entreprises en termes de mesures à prendre et de soumettre à leur approbation
un ensemble de propositions et de recommandations.

Les résultats de l’enquête menée sont détaillés comme suit:

tableau-11052012.jpgLa lecture de l’enquête auprès des entreprises tunisiennes a permis de conclure
que la dette externe pourrait être préjudiciable sur les équilibres extérieurs
dans la période de transition. Ce constat rejoint totalement les craintes
suscitées dans ce rapport quant aux contraintes de pilotage macroéconomique
liées à la dette externe. L’impératif de réduction de la dépendance extérieure
de la Tunisie semble faire l’unanimité auprès des chefs d’entreprise interviewés
qui proposent, majoritairement, de procéder soit à des rééchelonnements, et à
défaut, de limiter les nouvelles mobilisations de ressources externes assortie
d’une reconversion de la dette de l’administration en des projets de
développement. Une autre proposition serait d’auditer la dette externe et, si
possible, accéder à l’annulation partielle de la composante occulte ou odieuse
s’il y a lieu (haircut).

Néanmoins, les résultats de l’enquête méritent d’autres précisions. Tout
d’abord, la question de la restructuration (moratoire et/ou rééchelonnement) de
la dette externe dans le contexte de transition, bien qu’elle mérite réflexion,
a néanmoins pour principal inconvénient le risque d’interdiction d’accès futur
aux marchés financiers ou, à défaut, un refinancement à des taux prohibitifs.
Pour cela, seule la recommandation suggérant de limiter les emprunts externes en
les substituant par des emprunts publics internes semble la plus fondamentale.
Cette dernière argumentation importante est en fait indissociable de la question
complémentaire de l’attractivité des investissements étrangers et de la
dynamisation du financement bancaire.

Dans ce cadre, un graduel assouplissement de la réglementation de change
pourrait s’avérer opportun afin de générer une plus forte contribution des flux
de capitaux non créateurs de dette et en particulier les investissements directs
étrangers mais aussi les investissements de portefeuille en actions (portfolio
equity flows).

A ce titre, une légère augmentation du pourcentage autorisé d’acquisition par
les investisseurs étrangers d’obligations du trésor pourrait contribuer au
développement du marché primaire des titres publics et d’accroître sa liquidité.
L’identification de moyens supplémentaires de mobilisation de ressources
internes d’emprunts via le marché obligataire est aussi nécessaire, en
autorisant, par exemple, la Banque Centrale de Tunisie notamment d’y émettre des
certificats de dette ou de dépôts à court terme.

Dans le même temps, et afin de renforcer la contribution du secteur bancaire au
financement de l’économie, il y a lieu de procéder à:

– l’allongement des maturités des crédits accordés aux entreprises;

– l’amélioration des conditions d’octroi de crédits et de suivi de la qualité
des portefeuilles par la mise en place d’une analyse des risques de
contrepartie;

– l’alignement des coûts d’intermédiation bancaire sur les standards en vigueur
sur les marchés financiers internationaux;

– la mise en place d’instruments de quantitative easing par des injections de
liquidités sous forme de financements bancaires directs par la banque centrale
d’entreprises non financières par voie de souscriptions de billets de trésorerie
émis à une maturité courte de 3 mois;

– l’assouplissement des conditions de crédit (credit easing) et le déblocage du
marché des crédits bancaires en élargissant la gamme des collatéraux et des
sûretés éligibles;

– la poursuite de la réduction des créances non performantes en incitant les
banques à vendre leurs participations à des entreprises de placement de
capitaux;

– la libéralisation des emprunts extérieurs en devises contractés par les
banques cotées auprès de non-résidents.