Sous l’oeil inquiet des investisseurs, l’Espagne paye cher pour emprunter

photo_1337265018314-1-1.jpg
à un distributeur automatique, le 17 mai 2012 à Madrid. (Photo : Pedro Armestre)

[17/05/2012 14:36:00] MADRID (AFP) L’Espagne a dû payer jeudi beaucoup plus cher pour emprunter près de 2,5 milliards d’euros, alors que le pays est fragilisé par un climat d’extrême tension dans la zone euro, provoqué par la situation grecque.

A nouveau, l’Espagne suscite l’inquiétude des investisseurs, qui doutent de sa capacité à réduire son déficit public alors qu’elle doit venir en aide à ses régions et à son secteur bancaire, fragilisé depuis l’éclatement de la bulle immobilière en 2008.

Nouveau test de l’anxiété des marchés, l’émission obligataire de jeudi était très attendue, après un pic de tension atteint la veille.

“Il est très difficile de se financer”, “très difficile de le faire à un prix raisonnable”, avait reconnu mercredi le chef du gouvernement, Mariano Rajoy.

L’Espagne est finalement parvenue jeudi à emprunter près du maximum de la fourchette visée, soit 2,494 milliards d’euros à 3 à 4 ans.

Mais elle a dû concéder des taux d’intérêt en forte hausse sur les trois références proposées par rapport aux dernières émissions similaires (de 4,375% à 5,106% contre 2,89% à 4,037%).

Signe des préoccupations agitant les marchés, la prime de risque espagnole (surcoût que doit payer l’Espagne pour emprunter à dix ans, par rapport à l’Allemagne, considérée comme référence) avait atteint mercredi un nouveau record historique, à 507 points.

Jeudi, après l’émission obligataire, elle s’était détendue, restant toutefois à un niveau très élevé (487 points) vers 12H45 GMT, avec un taux espagnol toujours au-dessus de la barre symbolique de 6% (6,293%).

La Bourse madrilène restait elle dans le rouge, après avoir terminé la séance mercredi à son plus bas niveau depuis juin 2003 : à 12H42 GMT, l’indice Ibex-35 cédait 1,33%.

Cible de la panique boursière, Bankia modérait ses pertes, à -11,30%.

Le gouvernement a annoncé la semaine dernière la nationalisation de cette banque, la quatrième par la capitalisation en Espagne, provoquant son effondrement en Bourse.

Dans la matinée, jeudi, son titre s’est écroulé, perdant 27,49% sur fond de rumeurs de retraits massifs de dépôts par ses clients inquiets. Le gouvernement, comme la banque, ont par la suite nié tout retrait massif.

photo_1337265096999-1-1.jpg
Evolution trimestrielle du PIB espagnol

Censée rassurer les investisseurs, la nouvelle réforme du secteur financier annoncée vendredi par le gouvernement n’a pas encore convaincu.

“Elle n’a pas été très bien accueillie par le marché car ils manquent de détails sur son fonctionnement”, explique Borja Gomez Quintanilla, analyste stratégie de la firme de courtage Inverseguros.

Surtout, les investisseurs s’attendent à ce que l’exposition des banques au secteur immobilier sinistré depuis 2008, alliée à leur “exposition à la dette publique espagnole” puissent contraindre le gouvernement à sauver plusieurs d’entre elles, précise-t-il.

“Ce qui entraînerait indirectement un plus lourd endettement de l’Espagne”, ajoute-t-il.

Le gouvernement s’attend à ce que la dette publique frôle 80% du PIB à la fin 2012, contre à peine 37% avant la crise.

Autre point noir aux yeux des investisseurs: les 17 régions espagnoles. Responsables des lourds budgets de la santé et de l’éducation, elles doivent ramener cette année leur déficit de 2,94% du PIB fin 2011 jusqu’à 1,5%.

Là aussi, les marchés craignent que “le gouvernement ne soit obligé de reprendre les rênes des finances de certaines d’entre elles”, précise M. Gomez Quitanilla.

Enfin, l’effort du gouvernement pour ramener son déficit global de 8,5% du PIB fin 2011 jusqu’à 5,3% en 2012 est d’autant plus compliqué qu’il doit se déployer dans une économie en berne.

Les chiffres définitifs publiés jeudi ont confirmé l’entrée de l’Espagne en récession, avec un recul de 0,3% du PIB au premier trimestre par rapport au dernier trimestre 2011, où il avait déjà baissé de 0,3%.

Le pays souffre en outre d’un taux de chômage historiquement élevé, à 24,44%.