Pour l’heure, le nouveau président français est trop occupé par un calendrier international qui est de nature à l’éloigner des dossiers maghrébins. Qui ressurgiront sans doute notamment avec ses visites attendues au Maghreb courant 2013. Et il est à craindre en effet que «la force des choses», pour reprendre une formule du Général De Gaulle, ne permettent pas à François Hollande d’avoir la politique de ses promesses.
Aussitôt la passation du pouvoir faite à l’Elysée, voici François Hollande plongé de plain-pied dans les dossiers internationaux. En effet, le soir du 15 mai 2012, il s’envole pour Berlin pour discuter avec la chancelière allemande, Angela Merkel, du fameux Pacte budgétaire européen; un mécanisme sur lequel se sont, en mars 2012, accordés 25 des 27 États membres de l’Union européenne sur la convergence de leur union économique et monétaire, notamment la Zone euro.
Et aussitôt cette rencontre terminée, le nouveau président français se devait de se rendre à Camp David, aux Etats-Unis d’Amérique (18 et 19 mai) pour participer au G8 qui regroupe les huit pays les plus industrialisés du monde. Cette rencontre sera suivie d’autres: Chicago (toujours aux USA) où il assiste au sommet des pays de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), les 20 et 21 mai. Ensuite, les 18 et 19 juin, à Los Cabos, au Mexique, où il assistera au sommet du G20, dénomination donnée à un groupe de dix-neuf pays, dont dix émergents, plus l’Union européenne; il s’envolera par la suite pour Bruxelles (Belgique) en vue d’assister au Conseil européen, les 28 et 29 juin.
Le Maghreb, ça sera pour plus tard. Au mieux, dit-on, au début de l’année 2013. Il se rendrait, d’abord, à Alger. Sa tournée maghrébine est, insiste-t-on au Quai d’Orsay, siège du ministère des Affaires étrangères, essentielle. La France -et ça ne tient pas de la langue de bois- entretient des rapports étroits et solides avec les pays du Maghreb. Des rapports qui se déclinent à perte de vue: politiques, économiques, scientifiques, culturels…
Pour l’heure, ici et là, on croit à des lendemains meilleurs. Car pour certains pays, du moins les relations avec la France n’ont pas été, comme on dit, au beau fixe les dernières années du mandat de l’ancien président Nicholas Sarkozy.
Sympathies manifestées pour la communauté harki
Les Tunisiens n’ont pas ainsi apprécié que l’ancienne ministre des Affaires étrangère, Michèle Alliot-Marie ait proposé d’aider le régime du président déchu, Zine El Abidine Ben Ali, à mater la révolution du 14 janvier 2011.
Le président provisoire, Mohamed Moncef Marzouki, n’a pas manqué de faire remarquer dans une récente interview accordée, le 17 mai 2012, à l’hebdomadaire français “Le Point“, que «la France est le pays le plus proche de la Tunisie et celui qui nous comprend le moins bien au sein de l’Europe».
En Algérie, quelques gesticulations du président Sarkozy faite notamment au cours de la campagne pour la présidentielle des 22 avril et 6 mai 2012 n’ont pas toujours été appréciées. Comme son rapprochement avec le Front National, le parti xénophobe de marine Le Pen, ou encore ses sympathies manifestées pour la communauté harki, ces Algériens qui ont collaboré avec la colonisation française, et les pieds-noirs, européens partis avec l’indépendance de l’Algérie en 1962. Un haut responsable algérien a carrément dit que les choses iraient mieux avec Hollande. Même son de cloche semble-t-il du côté de Tunis, où la visite de Hollande, en mars 2011, avait été très appréciée.
Bien plus par les actes et la parole, le président Hollande n’a cessé de donner des gages importants pour les relations entre la France et les pays du Maghreb connaissent une «rénovation» à l’instar de tous les pays du sud de la Méditerranée, rompant avec la politique pratiquée par son prédécesseur. Le candidat a parlé dans son programme électoral («60 engagements pour la France») de relations «fondées sur l’égalité, la confiance et la solidarité». Exprimant notamment la volonté de relancer l’UPM (Union Pour la Méditerranée), initiée par Nicholas Sarkozy, mais qui n’a pas encore donné ses fruits, et de rompre avec la «Fraçafrique», un terme utilisé pour signifier la volonté de la France de maintenir sa politique coloniale en Afrique sub-saharienne.
Joignant l’acte à la parole, le président français a envoyé plus d’un message à l’endroit des pays maghrébins. Outre sa visite, en mars 2011, en Tunisie, il a envoyé des délégations au Maroc et en Algérie où ses représentants ont prêché la bonne parole. Il est à relever, dans le même ordre d’idées, que le Premier ministre que s’est choisi François Hollande, le 15 mai 2012, Jean-Marc Ayrault, a très tôt dénoncé le régime du président Ben Ali parlant d’«un régime corrompu et policier».
«L’Algérie est un pays qui m’est proche»
Au Maroc, la secrétaire générale du Parti Socialiste, Martine Aubry, a eu, en mars 2012, cette phrase que les Marocains ont beaucoup appréciée: «La proposition marocaine d’autonomie renforcée (concernant le Sahara) est la solution vers laquelle il faut avancer».
En Algérie, la délégation, qui comportait Benoît Hamon (aujourd’hui ministre délégué à l’Economie solidaire) et Elisabeth Guigou (députée et plusieurs fois ministre), deux grosses pointures du Parti Socialiste, ont évoqué une «refondation des coopérations entre l’Algérie et la France». Une déclaration qui s’inscrit dans le droit fil de tant d’autres. François Hollande affirmait, le 6 décembre 2010, au quotidien algérois Al Watan: «L’Algérie est un pays qui m’est proche».
Autre élément qui favoriserait les bonnes intentions des pays du Maghreb à l’égard du nouveau président français: sa décision de créer au sein du gouvernement français d’un ministère délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé du Développement, qui a été confié à Pascal Canfin, connu pour sa droiture et son militantisme pour un développement solidaire.
Le choix des hommes n’est peut-être pas étranger, à ce propos, à un certain enthousiasme remarqué dans les capitales maghrébines à l’égard de François Hollande. Laurent Fabius, qui a de solides amitiés en Algérie, est très sensible aux questions des droits de l’homme. Ce qui pourrait tomber à pic à l’heure où le Maghreb a été investi par le Printemps arabe.
Mais tous ces beaux discours attendent confirmation. Il est à craindre en effet que «la force des choses», pour reprendre une formule du Général De Gaulle, ne permettent pas à François Hollande d’avoir la politique de ses promesses. La crise économique, les lobbys, les pouvoirs occultes ou apparents comme ceux de ces Eurocrates de Bruxelles ou d’ailleurs sont toujours là. Et finissent par faire appliquer la politique qu’ils entendent mener. Ne laissant qu’un seul choix aux politiques: revenir sur les promesses qu’ils ont faites.
Restons en Algérie pour dire que le président Hollande a, du temps où il était candidat, d’abord, déposé, en octobre 2011, une gerbe de fleurs, sur le pont de Clichy (nord-est de Paris) à la mémoire des Algériens tués lors de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Comme il a rendu, ensuite, un vibrant hommage au président Ahmed Ben Bella, mort en avril 2012.