En dépit des efforts déployés, ces jours-ci, par le gouvernement pour lutter contre la cherté de la vie, les prix, particulièrement des légumes et fruits, suivent, toujours, un trend haussier au grand désarroi des consommateurs qui n’arrivent pas à expliquer cette incapacité de l’administration à maîtriser les prix, et qui, au fur et à mesure que la flambée des prix perdure, ont de plus en plus tendance à regretter, publiquement, le régime de Ben Ali lequel au moins, disent-ils, était plus attentif au couffin de la ménagère.
Gros plan sur une situation qui risque de dégénérer à l’approche de périodes de consommation de pointe: les vacances estivales et le mois de Ramadhan.
Il suffit de se rendre aux marchés de la capitale pour mesurer l’ampleur de la fronde des consommateurs qui ont le sentiment d’être lâchés par le contrôle économique, livrés à eux-mêmes et offerts en pâture à cette meute d’étalagistes sans foi ni loi (prix non affichés, agressivité des vendeurs, balances non réglementaires…). Faire ses courses dans les marchés de Tunis est devenu, de nos jours, une aventure, voire une véritable expédition.
Officiellement, Béchir Zaafouri, ministre du Commerce, impute cette flambée à quatre facteurs: l’émergence, à la faveur des dérapages sécuritaires générés par la révolution, d’un plus grand nombre d’intermédiaires et la tendance fâcheuse de ces derniers à faire supporter au consommateur des surcoûts (frais d’insécurité, recrutement d’hommes de main pour acheminer la production aux marchés de gros…), le stockage non-réglementaire à des fins de spéculation, la vente sur pied des récoltes et l’exportation non réglementaire vers les pays voisins.
Interpellés par la presse sur l’épineuse hausse record des prix du poivron et des tomates, les cadres du ministère du Commerce, qui passent plus de temps sur les plateaux des radios et des chaînes de télévision que sur le terrain, se délectent à rappeler que ces légumes sont hors saison et que leur prix élevé (plus de 2 dinars le kilogramme) est dicté par l’augmentation du coût des cultures sous serre, particulièrement dans la zone de Bekalta au Sahel.
Le cartel des intermédiaires a ses informateurs au sein du ministère du Commerce
En matière de lutte contre cette flambée des prix, le gouvernement a tendance à s’agiter plus qu’à combattre le banditisme des cartels des intermédiaires et des exportateurs non réglementaires. Ces hors-la-loi, qui manœuvrent au grand jour, auraient des antennes dans le cabinet du ministre du Commerce et sont informés minute par minute des projets des descentes de contrôle.
Dans une récente interview à Radio Express Fm, M. Zaafour a déclaré que les intermédiaires et détenteurs de stocks non réglementaires sont avertis, régulièrement, à l’avance, par des taupes au sein de son ministère et même dans son cabinet, de toutes les descentes projetées pars les contrôleurs économiques, les agents de police et l’armée.
«Même lorsque le ministère, a-t-il-dit, décide d’importer des quantités de légumes pour réguler le marché, les stockeurs non réglementaires, informés de l’initiative, vident leurs stocks et inondent, le lendemain, les marchés en quantité suffisantes de ces légumes et dissuadent ainsi l’importation».
Conséquence: chaque fois que le département du Commerce décide de réguler le marché, il trouve, devant lui et la plupart du temps avant lui, une mafia de spéculateurs et d’intermédiaires bien organisés soit pour créer la pénurie soit pour créer l’abondance.
Pour contourner les critiques formulées quant à leur incapacité de maîtriser les prix et de combattre avec efficacité les intermédiaires en fraude du fisc, les cadres du ministère du Commerce font assumer au consommateur la responsabilité d’accepter d’acheter chez des marchands-bandits qui n’affichent pas les prix et qui vendent à des prix très élevés.
En plus clair, pour ces cadres, c’est au citoyen de réguler le marché en s’interdisant tout simplement d’acheter, comme si ce simple consommateur était responsable de la présence de cette horde de tricheurs dans les marchés et comme s’il était responsable des circuits de distribution.
Conscient de l’enjeu de la flambée des prix qui risque d’avoir des conséquences politiques néfastes pour la Troïka lors de prochaines échéances politiques, le gouvernement a décidé de monter au créneau et d’entreprendre moult actions destinées à contenir les prix: campagne de communication sur la maîtrise des prix jusqu’au mois de Ramadhan, création d’un comité national pour la maîtrise des prix présidée par le Premier ministre, organisation d’une conférence nationale sur la maîtrise du prix (18 mai 2012).
Autre initiative à l’actif du gouvernement, le dernier conseil des ministres s’est penché sur ce dossier et a décidé de «contrôler les circuits de distribution, de mettre fin au phénomène de la contrebande en intensifiant le contrôle des véhicules à l’entrée des villes frontalières et de mener des campagnes d’information et de sensibilisation auprès des consommateurs» (mardi 15 mai 2012).
Pour le moment, il s’agit davantage de professions de foi à travers lesquelles le gouvernement cherche plus à se donner bonne conscience.
Et pourtant, la solution à ce délicat problème de cherté de la vie a été donnée, tout récemment, par la société civile, particulièrement par l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP). A peine la légitimité de son bureau confirmée par un jugement de la justice, celle-ci a pris l’heureuse initiative d’organiser, à son siège et pendant deux jours, une exposition du producteur au consommateur, une exposition qui a permis au consommateur de retrouver le sourire, de faire pour une fois ses emplettes et d’acheter à plus de 75% moins cher des légumes frais et à bon marché. «Le kilogramme du poivron y était vendu à 250 millimes et même moins contre deux dinars sur les marchés conventionnels. Qui l’eût cru».
C’est pour dire que la solution est simple. En attendant que le pays se stabilise et que les circuits de distribution soient assainis de ces intermédiaires encombrants, il n’y pas mieux pour le gouvernement que de multiplier ces points de vente et de les approvisionner par les productions des terres domaniales.
A bon entendeur.