L’évènement: le séisme provoqué par l’agence de notation américaine, Standard and Poor’s, qui vient de dégrader de deux crans la note de la dette à long terme de la Tunisie à “BB”, reléguant ainsi le pays dans la catégorie des “emprunteurs spéculatifs“. En termes plus simples, avec cette notation, la Tunisie risque, pour peu que rien ne soit fait pour redresser la situation politique et socio-économique du pays, d’être, à moyen terme, incapable de rembourser ses dettes à long terme.
Pis, l’agence explique cette notation par le mauvais rendement du pouvoir en place avec ces trois composantes: présidence, Assemblée constituante et gouvernement. Car, pour ceux qui l’ignorent encore, cette notation est en fait le résultat d’une évaluation de l’évolution de la situation politique et socio-économique qui prévaut dans le pays. Si c’était un Tunisien qui avait avancé de tels propos, la Troïka aurait crié aussitôt qu’il s’agit d’un complot.
Moralité: cette agence a apprécié, sans état d’âme -bien sans état d’âme- et de manière essentiellement technique- la situation générale du pays.
Seule consolation dans cette notation, celle-ci est assortie d’une perspective stable, ce qui signifie que l’agence ne compte pas la modifier pour l’heure et qu’elle donne un répit pour le gouvernement avant de la dégrader encore si rien n’est fait pour améliorer la situation.
Ce “carton rouge“ adressé à l’encontre des locataires du palais du gouvernement de La Kasbah, du Parlement et du Palais de Carthage vient rappeler à ces amateurs de la politique que «la récréation est bien finie» et que le pouvoir est un enjeu et non pas un jeu et que le défi à relever pour les dirigeants de tout pays en période de transition démocratique n’est pas dans des manoeuvres politiciennes pour remporter les prochaines élections (comme c’est le cas actuellement en Tunisie) mais dans l’effort à déployer aux fins de relancer l’économie du pays, et, partant, de promouvoir l’investissement et de créer des emplois.
Cette baisse du rating souverain, tant crainte par les spécialistes, est toute évidence un message fort qui vient remettre aux esprits que si l’économie est en panne aucun projet politique ne peut aboutir.
Elle reflète, également, l’image que se donne de nous le monde extérieur. Au regard des dérapages et du laxisme qui prévaut, depuis quelque temps dans le pays, le spectacle est désolant et justifie amplement cette baisse, du reste attendue par tout Tunisien averti.
Salafistes moyenâgeux, sit-inneurs, grévistes, contrebandiers, douaniers corrompus, hommes politiques incompétents et laxistes, resquilleurs de tous genres assument tous la responsabilité de cette baisse. Ils ont fait perdre au pays, par leurs agissements, de précieuses rentrées de devises et des milliers d’emplois.
Car, la dégradation de la notation souveraine est liée, essentiellement, à la baisse des réserves en devises et à l’incapacité de la Tunisie d’en disposer, ultérieurement, pour rembourser ses dettes au fur et à mesure que son déficit commercial perdure.
Faut-il rappeler que, fin 2010, la Tunisie disposait de l’équivalent en devises de 5 mois et demi d’importations et qu’aujourd’hui, elle est à peine à trois mois? C’est dire autrement tout l’effet néfaste qu’ont eu ces démonstrations provocatrices de salafistes et de prédicateurs indésirables, sur le recul du tourisme, un des principaux secteurs pourvoyeurs de devises pour le pays. C’est dire aussi tout l’effet pervers qu’ont eu les sit-in et autres grèves à Gafsa et à Gabès sur l’exportation des phosphates à un moment où les cours mondiaux de cette matière première connaissent un trend haussier. C’est dire, enfin, l’incapacité de la Troïka à interdire en cette période délicate les importations de produits de luxe (gouffre de devises), à élaborer en un temps raisonnable la Constitution du pays et à dynamiser les législations sur la liberté d’expression.
Autant d’insuffisances qui ont terni l’image du pays et son crédit auprès des institutions financières internationales. En bref: le marché financier international n’a plus confiance en la Tunisie.
«Malgré une phase de stabilité et de consensus depuis le départ du président Ben Ali en janvier 2011, nous pensons que les incertitudes vont persister quant à la politique menée à moyen terme», lit-on dans le communiqué de l’agence Standard and Poor’s.
Comment gérer cette situation
L’impact de cette perte de confiance sera perceptible à travers la difficulté qu’aura, dorénavant, la Tunisie pour emprunter sur le marché financier international en ce sens où si jamais elle décide de le faire, elle sera obligée de payer des taux d’intérêts plus élevés en plus d’une prime de risque.
Quant aux pistes à explorer pour regagner la confiance des marchés et des investisseurs, Mohamed Haddar, président de l’Association des économistes de Tunisie (ASECTU) en a proposé, jeudi matin (24 mai 2012), trois sur les ondes de Radio Express Fm.
Il s’agit, selon lui, de donner des signaux forts que la Tunisie est capable de relancer l’activité économique et d’instaurer la paix sociale, d’instaurer la confiance entre le gouvernement et le citoyen d’une part, et entre le gouvernement et les investisseurs, d’autre part, et surtout de dynamiser toutes les législations régissant les institutions du pays comme la presse, le conseil supérieur de la justice et surtout l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE).
In fine, on peut se poser la question sur la coïncidence de la publication de cette note et la signature d’adhésion de la Tunisie à la Convention de l’OCDE sur la liberté d’investissement, de transparence et de bonne gouvernance…, intervenue le même jour (mercredi 23 mai à Paris). Mais comme on l’a souligné, il s’agit sans doute d’une coïncidence.