écrans Facebook sur ordinateur et smartphone (Photo : Karen Bleier) |
[24/05/2012 18:48:11] NEW YORK (AFP) L’entrée en Bourse controversée de Facebook met en lumière l’inégalité inhérente sur les marchés financiers entre M. Tout-le-monde et les gros investisseurs, qui ont un accès direct aux dirigeants des entreprises et aux avis des analystes des grandes banques.
Les banques en charge de l’introduction en Bourse du géant des réseaux sociaux, en tête desquelles Morgan Stanley, Goldman Sachs et JPMorgan Chase, ont appelé leurs gros clients dans les jours précédant l’opération, la plus attendue de l’année.
Elles ont attiré leur attention sur des perspectives moins belles qu’espéré du site internet aux 900 millions de membres.
Facebook venait de modifier son prospectus d’entrée en Bourse (S1), soulignant que ses revenus continuaient à progresser moins rapidement que le nombre de ses membres et exprimait des incertitudes sur sa capacité à gagner de l’argent sur les appareils mobiles.
Le groupe avait déjà communiqué sur ces deux points mais le langage employé dans ce nouveau document a poussé les analystes des grandes banques à modifier leur anticipation de résultat pour Facebook.
“Est-ce que les petits investisseurs sont laissés derrière? Absolument, ça a toujours été le cas”, indique à l’AFP une source proche d’un régulateur. “C’est un peu comme une compagnie aérienne qui offre des tickets gratuits à ses gros clients”.
“Les prospectus boursiers sont là pour tout le monde, tout le monde essaie de les analyser. Si un investisseur moyen n’a pas su interpréter le S1 (de Facebook), alors c’est pareil pour tous les autres prospectus et documents boursiers publiés chaque jour par les autres entreprises”, ajoute cette source ayant requis l’anonymat.
En revanche, “si des informations substantielles ont été données qui n’étaient pas contenues dans ces documents publics, alors là c’est une infraction sérieuse”, conclut cette source.
Les banques qui pilotent les entrées en Bourse ou opérations de fusions-acquisitions ne sont pas autorisées à publier des notes d’analyse peu avant le jour J pour éviter les conflits d’intérêt. En revanche, elles sont autorisées à parler à leurs clients par téléphone pendant les tournées de promotion d’une entrée en Bourse (“road show”).
“Alors que les analystes avaient changé d’avis sur (Facebook), ils ont envoyé un mémo mis à jour avec ces nouvelles opinions aux équipes de notre division de gestion de fortune”, qui ont ensuite appelé leurs clients, a ainsi expliqué à l’AFP une source bancaire informée de ces activités.
Outre des appels ciblés, les gros investisseurs sont également invités à des présentations privées organisées par les banques, au cours desquelles ils rencontrent les équipes dirigeantes et peuvent leur poser des questions.
Les investisseurs institutionnels comme les fonds spéculatifs ou les gros fonds de pension “ont envie de sentir comment les choses se passent, de voir si le directeur financier est confiant ou nerveux, c’est humain”, estime Gregori Volokhine, directeur de Meeschaert New York.
“Mais si on transmet des informations substantielles à certains et pas à d’autres, c’est du délit d’initié”, ajoute-t-il, même s’il n’y a aucune preuve pour l’instant que des informations de cette nature aient été données aux gros investisseurs lors des appels de ces banques.
Sally Krawcheck, ex-directrice de Merrill Lynch-Smith Barney et figure emblématique de Wall Street, se demandait jeudi sur CNBC si ces présentations privées pendant les “road show” ne devraient pas être diffusées par internet pour que tous les investisseurs aient accès aux mêmes informations.
Autre exemple des privilèges des gros investisseurs: certains d’entre eux, triés sur le volet, ont eu la possibilité dès janvier 2011 d’acheter des parts dans la participation d’un demi-milliard de dollars que Goldman Sachs avait acquise dans Facebook.
Pour Gregori Volokhine, “tout ça ne devrait pas être normal, si on veut que les gens fassent confiance aux marchés boursiers. C’est un nouveau coup porté” à la réputation de Wall Street.