Tunisie : L’état des lieux

Par : Autres

2- Apport limité de l’aménagement du territoire dans le développement régional

Un des objectifs majeur de toute politique d’aménagement du territoire est
d’accompagner le
développement économique. En Tunisie, une évaluation
approfondie de la performance dans ce sens de la politique d’aménagement du
territoire s’impose. Mais d’ores et déjà, plusieurs constats peuvent être tirés
à partir de l’examen de la situation actuelle :

-Lacunes du système d’aménagement du territoire

Le système actuel d’aménagement du territoire souffre de plusieurs lacunes qui
ont fortement réduit son aptitude à accomplir les objectifs qui lui sont
assignés. Une étude actuellement en préparation sur la question de l’évaluation
de la politique d’aménagement du territoire en Tunisie et qui a fait l’objet
d’un séminaire de présentation en juin 2011 (La presse du 14

septembre 2011) a déjà pointé du doigt certaines défaillances. Les plus
importantes lacunes concernent la sectorialité des politiques nationales dont
les objectifs demeurent faibles en termes de rééquilibrage régional et de
contribution à l’aménagement du territoire et un découplage entre planification
spatiale (long terme, peu effective) et planification socioéconomique (court
terme, non territorialisée). Ce cloisonnement caractérise également les
pratiques interministérielles qui, même si elles existent, sont en dehors du
cadre (le Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire) et du contexte.

– Dualité «équilibre régional/renforcement de la métropolisation»

Le paradigme d’équilibre régional qui a caractérisé l’ancien schéma national
d’aménagement du territoire a laissé la place à partir des années 1990 à une
volonté de promouvoir la métropolisation des grandes villes du pays, notamment
Tunis. Les deux politiques ont eu leurs lots de réussites mais également leurs
effets négatifs. Si la première politique a pu diffuser un certain nombre
d’équipements au niveau de plusieurs régions du pays, elle n’a pas réussi à
faire émerger des territoires compétitifs. Pour la seconde option (intégration
internationale par le biais de la métropolisation), il est probablement encore
tôt pour mesurer d’une manière convenable l’effet de cette politique, mais les
conditions d’équipement et de services notamment dans le Grand Tunis semblent
évoluer à vue d’œil. La question qui persiste est celle relative aux actions
destinées à «compenser» le décalage en matière développement qui auraient été
insuffisantes.

– Faible contribution au développement régional

Il est évident que les faibles performances du système de développement régional
sont multiples et ne peuvent être limités à l’apport insuffisant de
l’aménagement du territoire, mais il est clair également que ce dernier aurait
pu constituer un vecteur pour l’émergence d’un réel développement régional. Les
raisons sont à chercher tant du côté du contenu de la politique et des
propositions que de celui du système institutionnel et procédural de conduite et
de mise en application.

La question des Schémas de
Développement des Régions Economiques interpelle
également du fait que ces schémas, malgré la pertinence de leurs échelles
d’analyse et de proposition, se confrontent à un vide institutionnel quant aux
acteurs et processus de leur mise en exécution.

A cette critique principale s’ajouteraient au moins deux autres observations. La
première concerne la faible exploitation de certains secteurs dans les régions
et qui résulte notamment de la centralisation et la sectorialité des politiques.
La seconde concerne la faible concertation qui caractérise le processus
d’aménagement du territoire et l’insuffisance de la dimension partenariale.

– Des modèles spatiaux pas toujours adaptés, une compétitivité des territoires à
affirmer

Il est aujourd’hui admis de souligner le rôle de l’espace dans les coordinations
d’acteurs, dans le fonctionnement et l’efficacité des organisations et/ou dans
l’alimentation et la diffusion du développement socio-économique (Mathlouthi et
al. 2006).

Mais comme nous le reprendrons plus bas, la politique du zoning industriel ne
permet pas de répondre à l’ensemble des besoins des investisseurs. La
localisation urbaine dite de standing constitue aujourd’hui un besoin important
pour plusieurs entreprises. La réponse à cette demande n’est aujourd’hui que
partielle.

Par ailleurs, nous avons vu émerger plusieurs projets d’aménagement et
d’organisation spatiale baptisés « technopôles » basés sur cette forme ayant
fait l’objet d’expérimentations dans les pays développés. Mais contrairement à
ce que suppose ce concept (des liens science-industrie entre les acteurs publics
et privés de l’innovation technologique), les relations de partenariat restent,
comme ça a été montré pour le cas du plus ancien (et probablement important)
technopôle (El Ghazala) «insuffisamment significatives» (Mathlouthi et al.
2006).

Ce constat sur les modèles spatiaux amène également à s’interroger sur un autre
concept qu’est celui de la compétitivité des territoires, notamment au regard de
la politique de métropolisation visant l’intégration internationale des grandes
villes, et notamment la capitale.

Nos territoires, y compris l’espace métropolitain du Grand Tunis et les autres
zones du littoral, sont-ils assez compétitifs à l’échelle méditerranéenne ?

(Voir suite)

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Etude IACE

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