A Madrid, les mineurs espagnols défendent “l’avenir du charbon”

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à Madrid (Photo : Javier Soriano)

[31/05/2012 13:13:41] MADRID (AFP) “Pour l’avenir du charbon espagnol et la renaissance des villes minières”: des milliers de mineurs ont manifesté jeudi à Madrid derrière une banderole portant ces mots, contre la réduction des aides publiques qui menacent selon eux la survie économique de régions entières.

Dans la fumée dégagée par les explosions de pétards, les mineurs et leurs familles, venus de toute l’Espagne, du nord notamment, ont défilé jusqu’au ministère de l’Industrie.

Certains, casque sur la tête, portaient l’uniforme bleu marine et orange aux bandes réfléchissantes.

“Tout le monde dans ma famille est mineur, mes parents, mes oncles, mes grand-parents, jusqu’à la grand-mère de ma grand-mère qui allait à la mine pour remplacer son mari afin qu’il puisse se reposer”, confie Adrian Alvarez, 27 ans, mécanicien depuis cinq ans dans le puits Monsacro, dans les Asturies, une région minière du nord de l’Espagne.

“Je ne crains pas seulement pour mon travail, mais aussi pour celui de toute la ville, parce que tous nous travaillons dans la mine, directement ou indirectement”, raconte le jeune homme, vêtu de son uniforme couvert de suie.

“Avec l’argent des bassins miniers, on sauve les banquiers”, assurait une autre banderole, rappelant le sauvetage public record demandé par la banque Bankia ainsi que les sévères coupes décidées par le gouvernement de droite dans les aides à un secteur déjà en déclin.

“Mon père lui aussi était mineur. J’ai cinq frères mineurs et aujourd’hui, un seul d’entre nous a encore du travail”, témoigne Fernando Martinez qui, à 49 ans, est déjà pré-retraité depuis sept ans.

Cet ancien mineur vient de Bembibre, une petite ville de la région de Castille et Leon, dans le nord.

“A Bembibre, tout le monde vit de la mine”, raconte-t-il. “Pour nous, la préretraite a été obligatoire et la mine a fermé en 2005. Beaucoup de petites mines, de moins de 50 employés, ont fermé”.

Le sort du seul frère de la famille qui a toujours un emploi n’est guère plus enviable: “Cela se passe très mal. Dans sa famille ils sont cinq, et ce mois-ci il n’a touché que 60% de son salaire parce que le directeur dit qu’il n’a pas de quoi payer”.

Les mineurs espagnols, estimés à environ 8.000, ont fait quatre jours de grève depuis la semaine dernière pour défendre l’avenir des mines de charbon.

Selon les syndicats, 25.000 à 30.000 emplois directs et indirects seraient en péril dans des régions où des communes entières vivent de la mine depuis plusieurs générations.

Car le gouvernement espagnol, qui cherche à réduire le déficit public de 8,9% du PIB en 2011 à 5,3% cette année, a prévu une réduction de 63% (de 301 millions d’euros en 2011 à 111 millions cette année) des aides au secteur minier, subventionné par l’Etat.

“Si nous perdons les mines, nous perdons tout, les commerces, les emplois, tout. Les jeunes sont déjà au chômage et si maintenant les parents perdent leur travail, c’est toute la famille qui est détruite”, assure Susana Bermudez, une épouse de mineur de 43 ans qui accompagne son mari.

Elle-même travaille pour une entreprise de nettoyage sous-traitante pour une mine de Mieres, dans les Asturies.

En pleine restructuration depuis les années 1990, les mines de charbon espagnoles ont progressivement fermé, avec à la clef une réduction de plus de 40.000 emplois directs en 20 ans, et une production réduite à quelque 10.000 tonnes en 2011.

“Le gouvernement doit se rendre compte qu’il ne peut pas condamner les bassins miniers à la marginalité et au chômage”, avertit Antonio Deusa, un représentant du syndicat UGT. “Dans une région où le dépeuplement est très important, s’ils ferment les mines, le problème va s’aggraver”.

“Les régions minières sont celles où le chômage des jeunes est le plus élevé, près de 60%”, avertit-il, “et aucun tissu industriel de remplacement n’a été créé”.