Dans de pareilles situations où c’est la sécurité même des citoyens et des biens publics qui est menacée, le discours de l’homme politique ne peut qu’être rassurant et porter sur la quiétude et la confiance. Sauf qu’il est malaisé de faire une lecture aveugle et le bec enfariné dudit discours tant il importe d’être prudent. C’est que la vague de violences qu’a connue le pays depuis plusieurs mois (et qui perdure à ce jour) ne peut qu’instiller le doute dans les esprits. Que faire, alors? Croire ou ne pas croire?
Dans un premier temps, la bonne foi nous dicte de donner crédit au discours politique, ne serait-ce que parce que celui qui le prononce est un décideur qui parle au nom de l’Etat. Seule donc cette grosse machine qu’est l’Etat qui devra à l’avenir corroborer la bonne foi de ses engagements ou l’infirmer. Dans les deux cas, le citoyen sera témoin et saura sous quelle aile se ranger.
Le discours prononcé hier (jeudi 31 mai 2012) par M. Ali Laârayedh, ministre de l’Intérieur, à l’occasion d’une conférence de presse tenue dans le dessein de se prononcer sur la situation peu reluisante qui prévaut dans le pays, brille par son ton franc et direct. Sans ambages ni faux-fuyants, il a désigné clairement les salafistes –à tout le moins, nombre d’entre eux– pour être les responsables inexcusables de toutes ces violences qui ont saccagé biens publics et terrorisé bien des citoyens: «On peut accepter, a-t-il dit, que certains groupes salafistes adoptent une approche sociale différente, mais les dérives d’autres groupes qui cherchent à changer le style de vie des Tunisiens sont intolérables!».
C’est ce point-là qui, dans l’actuel état des choses, préoccupe le plus. Il est évident, en effet, que dans un pays qui prône les libertés individuelles, tout un chacun puisse, en toute liberté, adopter son propre style de vie, sans crainte, intimidation ou terreur. Mais que d’aucuns veuillent s’ériger en Etat dans l’Etat au point d’imposer leur idéologie (à supposer qu’ils en aient une) aux autres par la force, voilà la République transformée en jungle.
En gros, donc, il fallait lire dans le discours du ministre de l’Intérieur la volonté de mettre un terme à toutes sortes de violences, d’où qu’elles émanent, en vue de faire régner l’ordre, sachant que «le principe du recours graduel à la force contre les manifestants, conformément à l’article 4 de la loi de 1969, prévoit l’utilisation des balles réelles, et que cet article n’est pas abrogé».
En toute logique, un tel discours a de quoi dissuader quiconque chercherait désormais à semer la panique et à endommager les biens des citoyens dans le seul but d’imposer ses principes. Pourvu, toutefois, que des actes réels viennent sanctionner tout acte de vandalisme. C’est seulement alors qu’on sauvera réellement la révolution.