Contraintes par la réglementation, les banques en appellent aux assureurs

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édt Agricole, à La Défense (Photo : Eric Piermont)

[05/06/2012 09:56:27] PARIS (AFP) Le nouveau cadre réglementaire dit Bâle III incite les banques à jouer de plus en plus un rôle d’intermédiaire dans le financement de l’économie et à céder des crédits, une évolution qui intéresse les assureurs, en recherche de rendement et d’actifs de long terme.

Avec ce dispositif prudentiel qui entrera en vigueur début 2013, les banques françaises, qui conservent l’essentiel des prêts qu’elles consentent jusqu’à échéance, seront pénalisées.

Pour rester opérantes, elles réfléchissent donc à se défaire de certains prêts déjà accordés, voire à placer, dès le départ, certains crédits auprès d’investisseurs en jouant le rôle d’intermédiaire.

Afin de ne pas s’en remettre qu’aux seuls marchés, les banques ont pris langue avec les assureurs qui disposent par nature de ressources à placer (les primes) et n’ont pas peur du long terme.

CNP Assurances négocie ainsi actuellement avec des banques le rachat de portefeuilles de prêts, dont le rendement est “plus intéressant que de l’obligataire” en cette période de taux historiquement bas, souligne le directeur général adjoint, Antoine Lissowski.

Son concurrent Axa est lui déjà allé plus loin en concluant un partenariat avec la Société Générale. Il en négocie un autre avec le Crédit Agricole.

Concrètement, la Société Générale opérera des placements privés auprès d’Axa pour des montants compris entre 30 et 100 millions d’euros pour le compte d’entreprises au chiffre d’affaires supérieur à 250 millions, tout en conservant une partie des prêts.

Le placement privé consiste, pour une entreprise, à émettre des titres de dette qui sont directement souscrits par un ou plusieurs investisseurs, sans passer par le marché obligataire public.

L’assureur prévoit de consacrer une enveloppe globale de 500 millions d’euros à ces opérations mais elle pourrait grimper jusqu’à un milliard.

Les assureurs méfiants

Quant à la maison-mère Groupama, elle indique à l’AFP que le placement dans des portefeuilles de crédit “fait partie des sujets à l’étude”, même si “ce n’est pas une priorité”, compte tenu de la restructuration que mène actuellement l’assureur.

Autre mastodonte du secteur, Covéa (Maaf, MMA, GMF) “analyse actuellement le sujet avec diverses banques”, a indiqué l’assureur mutualiste.

Intéressés, les assureurs restent néanmoins méfiants, échaudés par le spectre du “subprime”, qui a déclenché une réaction en chaîne en 2007 justement par le biais de ces portefeuilles de prêts revendus à des investisseurs et disséminés généreusement.

Pour se prémunir contre ces risques, CNP exige que ce ne soit pas la banque qui a consenti les prêts qui réalise la transformation en titres, “pour éviter une asymétrie de l’information”, et demande que la banque conserve une partie du risque lié à ces prêts, afin que les intérêts “restent alignés”.

Avant de parler de mouvement massif, le secrétaire général du Groupement des entreprises d’assurance mutuelle (Gema), Jean-Luc de Boissieu, prévient que “seules deux ou trois assureurs ont des équipes suffisantes pour analyser le risque de crédit” (impayés) associé à ces prêts.

Ceux-là pourraient même se passer des banques, estime Richard Weiss, président de GTI (Gestion et titrisation internationale), cabinet spécialisé dans la titrisation (transformation de prêts en titres financiers).

Pour diminuer l’influence des banques, il suggère de développer les fonds de titrisation (constitués de titres adossés à des prêts), qui ont pour l’heure une image dégradée liée à l’empreinte du “subprime”, et de les adapter au nouveau cadre réglementaire imposé aux assureurs, dit Solvabilité II.

Car il considère les assureurs plus légitimes que les banques pour financer l’économie sur plusieurs années. “Est-ce qu’il est indispensable qu’une banque dont les ressources sont à court terme (dépôts et emprunts sur les marchés) finance des prêts à 20 ans?”, s’interroge-t-il.